Source : La vie quotidienne des alchimistes au Moyen Âge par Serge Hutin, éditions Hachette, collection Littérature et Sciences humaines, relecture treize ans après.
Dans son Livre de la philosophie naturelle des
métaux, Bernard le Trésivan semble bel et bien révéler que, pour espérer
réussir, il faut utiliser une matière première extraite de la mine, et qui se
trouve à l’état de minerai double. « Notre œuvre est faite d’une racine de
deux substances mercurielles prises toutes crues, tirées de la minière nettes
et pures, conjointe par feu d’amitié. »
S’il faut en croire Basile Valentin, la Pierre
philosophale serait d’abord solide ; elle se présenterait sous forme
coagulée et cristallisée. Mais, au fur et à mesure qu’on en ferait usage, elle
tendrait à la température ordinaire, à se stabiliser finalement en un état
liquide : ce serait alors le Mercure universel, brillant dans l’obscurité
comme un petit soleil. » La tentation serait forte d’appliquer ce trait à
une propriété radioactive. Il importe toujours, répétons-le, de se méfier de
ces assimilations trop faciles, entre les vieux alchimistes et les modernes
« briseurs d’atomes. »
Mais les difficultés d’interprétation s’accentuent pour
l’historien lorsqu’il prend conscience du fait que les alchimistes du Moyen Âge
et leurs successeurs se plaisent à superposer deux sens parallèles. Voici un
texte d’Aréphius où, manifestement, un autre sens vient se superposer à la
simple description concrète d’un phénomène observé au laboratoire, dégagement
d’un gaz :
« Mais lorsqu’il vient à s’élever, il naît dans
l’air et il se charge dans l’air, il s’y fait vivant, avec la vie, et il
devient entièrement spirituel, et incorruptible.
Le même passage peut fort bien s’appliquer à une phase
de volatilisation non pas au niveau de l’œuvre minéral mais à celui des
métamorphoses intérieures vécues par le psychisme de l’opérateur. On pourrait y
voir une allusion à l’un des adages hermétiques les plus difficiles à
interpréter : » Solve et coagula »
Cette formule désignait certes une phase définie des
opérations terminales du Grand Œuvre transmutatoire ; mais d’autres
processus se trouvaient ainsi décrits et qui touchaient sans doute au mystère
de la translation corporelle. L’adepte deviendrait capable, s’il
parvient à la réussite, de « dissoudre » son corps physique tout en
« coagulant » sa partie incorporelle, lumineuse.
C’est à cete mystérieuse double métamorphose que s’appliquerait ce même passage d’Artéphius : « C’est pourquoi il faut sublimer l’un et l’autre, c’est-à-dire le corps et l’esprit, afin que ce qu’ils ont de pur monte et que ce qui est impur descende pendant la tourmente de la mer orageuse. »
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