Source : Cagliostro par Philippe Brunet, éditions François Bourin, collection Le Grand livre du mois
Dans la conception de l’Ars Magna, révélée au
seizième siècle, l’alchimie est une mystique. La synthèse de ses différents
aspects trouve son aboutissement dans une pratique qui allie le spirituel au
spéculatif et au temporel. Dans cette conception, la pierre philosophale
devient Phénix puisque, comme cet oiseau mythique, elle renaît au terme de l’Œuvre
au rouge, des ténèbres cimmériennes de l’Œuvre au noir.
Animal fabuleux, d’une splendeur sans égale, la légende
raconte que, lorsque l’heure de sa mort approche, le Phénix se construit un nid
de brindille sur lequel il se consume de sa propre chaleur, mais son pouvoir
est tel qu’il renaît aussitôt de ses cendres. De là, toute la richesse
symbolique du Phénix qui, associé au cycle du Soleil dans l’ancienne Égypte,
meurt le soir pour renaître au matin. Sur les rives du Nil, il est, par
ailleurs, assimilé au héron pourpré, et sa couleur emblématique est le rouge.
Et, lorsque les taoïstes lui donnent le nom d’oiseau-cinabre, c’est précisément
parce que sa couleur rappelle celle de la substance obtenue au terme de l’Œuvre
au rouge.
Or, qu’est-ce que le cinabre, sinon le sulfure rouge de mercure, sinon la pierre philosophale qui assure la régénération spirituelle ? C’est d’ailleurs à ce titre que l’alchimie médiévale fera du Phénix le symbole de la résurrection du Christ et qu’elle interprétera les différentes phases du Grand Œuvre à travers le regard de la foi : la crucifixion du Seigneur, torturé, martyrisé, enterré, c’est l’Œuvre au noir ; sa résurrection, son ascension, ses apparitions transfigurées, c’est l’Œuvre au blanc ; la vie éternelle, le rachat des péchés, le corps glorieux du Christ, c’est l’Œuvre au rouge, la pierre philosophale, le Phénix. En juillet 1781, à Paris, pour conserver l’incognito, le comte de Cagliostro ne se faisait-il pas appeler le comte de Fenice ?
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