Shaddaï

 

Source : Maître Eckhart, l’homme à qui Dieu ne cachait rien, par Bernard McGinn, éditions du Cerf

La déité, dans la mesure où elle est un « simple fond », « einvaltige grunt » et un « désert silencieux », « stille wüeste », n’agit pas : « Dieu agit, alors que la Déité n’agit pas » pour reprendre la formule du sermon LVI de Pfeiffer.

Dans la Déité, Dieu « dé-devient », « entwirt », de sorte qu’il faut dire de ce fond qu’il est pure possibilité, précondition immobile de toute activité, même celle de la « bullitio » divine. C’est seulement lorsqu’on arrive au « bouillement intérieur » par lequel les Trois personnes fluent en dehors dans les processions caractérisées par des relations mutuelles, qu’on atteint le niveau où « Dieu devient », « Gott wirt »

La distinction entre « Grunt » comme précondition, pure possibilité d’émanation, et le Père comme source concrète du Dieu qui devient, se reflète dans les références d’Eckhart à ce qui peut passer aux yeux de beaucoup pour un axiome assez obscur de la théologie trinitaire scolastique. Dans son Commentaire de l’Exode, il dit en effet :

« Les meilleures autorités disent que la potentialité d’engendrer, chez le Père, est dans l’essence et non dans la Paternité, et c’est pourquoi le Père engendre Dieu le Fils, mais ne s’engendre pas lui-même, le Père. »

Ce qui signifie que la racine de toute l’existence divine, la sagesse et la puissance du Fils, vient du fond ou de l’essence, mais que le fond lui-même n’engendre pas, seulement le Père en tant que Père.

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