« Toute chose créée est, de soi-même, néant »
aimait à répéter Maître Eckhart, aussi bien dans ses écrits scolastiques que
dans sa prédication. Un passage en particulier, tiré du sermon 4, fut condamné
comme hérétique. En se défendant à Cologne et à Avignon, Eckhart clama son
indignation : « Dire que le monde n’est pas néant en soi et de soi,
mais est une infime parcelle d’existence, c’est pur blasphème. » Il aurait
même pu en appeler à Thomas, qui avait dit un jour : « Chaque chose
créée, du fait qu’elle n’a d’existence qu’à partir d’un autre, est, en
elle-même, néant. » Dire que les créatures sont néant, c’est, pour
Eckhart, dire que l’existence qu’elles possèdent est pure réception. Située à
mi-chemin entre deux formes de néant, le nihil par voie d’éminence qui est
Dieu, et le nihil qui marque la déficience des créatures, la voie mystique
eckhartienne sera une invitation faite à l’âme de renoncer au néant de son être
créé pour devenir le Néant divin qui est aussi bien toutes choses.
Bernard McGinn : Maître Eckhart, l’homme à qui Dieu ne cachait rien
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