Arrivant au crépuscule dans un village noyé de bleuité déjà nocturne, le voyageur solitaire semble porter chez Trakl le destin énigmatique d’un monde en putréfaction. En sa venue « l’œil d’or des origines » et la « patience obscure de la fin » ne trouvent-ils pas à s’ajouter selon une ténébreuse rigueur demeurée pour l’heure indéchiffrée ? Non toujours dépourvue de complaisance encore romantiques pour une Nuit où s’abîmer sans fin, la parole de Trakl porte toute l’ambiguïté d’une imminente inversion des signes latente en toute « matière » portée au Noir saturnien ? Irrésistible est donc chez lui le mouvement d’aggravation attirant toutes choses vers davantage encore de mutisme, d’abandon, de déclin. « Et que le Dieu muet abaisse sur lui ses paupières bleues. » Abondent les images cursives, mais denses, venues témoigner de l’apparente contre alchimie ainsi engagée : soleil noir et taciturne, « or glacial », rosée noire perlant aux tempes de l’enfant, mais elles-mêmes pondérées par d’autres, plus quintessenciées, car dénuées de toute polarité visible, où semblent interférer putréfaction et méditation rédemptrice : l’automne, tour à tour funèbre, et bourdonnant dont on ne sait quelle gloire secrète ; l’équivoque Midi où l’on ne sait trop qui, des corbeaux ou de l’éclat solaire, l’emportera ; l’ombre omniprésente annonciatrice de toute venue comme de tout retrait ; l’image enfin de l’inceste philosophal, venue couronner ou entraîner vers sa plus grande perte le cycle entier du destin occidental.
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