Ring

  

Source : Philosophie de l’alchimie, Grand Œuvre et modernité, par Françoise Bonardel, éditions Presses Universitaires de France, collections Questions, relecture juillet 2009-mai 2024, ouvrage rédigé en style pythique, cartésiens et zététiciens s’abstenir, mais on n’est pas sectaires.

Qu’un processus alchimique soit en Œuvre dans Parsifal a frappé J. Chailley, mais une problématique philosophale peut-elle être réduite à la succession bien connue du Noir-Blanc-Rouge sans qu’on ait à prendre plus précisément en compte et la nature de la « matière » à transformer et les conditions de cette transmutation ?

Or, J. Evola fait remarquer que « la blessure d’Amfortas se rouvrait particulièrement sous le signe de Saturne, c’est-à-dire Kronos », donc de la régression nocturne et temporelle. Si « alchimie » il y a dans Parsifal, elle paraît surtout présente dans la logique même de l’auto-torture : « Une arme seule vaut / la plaie ne peut être fermée / que par la lance qui la fit » (Acte III, scène 1) Autonomisant et exhibant la plaie sanguinolente sur un plateau porté aux côté d’Amfortas, le cinéaste Syberberg (Parsifal, 1982) tendra à faire du mal la figure ostensiblement inversée du Graal, infléchissant ainsi la logique du retournement vers celle de la transfiguration par rejet de l’élément impur.

Or, chez Wagner, Parsifal, le « pur » parvient à recourber le temps dégénérescent du péché pour le ramener à la source de vie, ouvrant par là même un plus vaste questionnement sur la transmutation du temps en espace. G. Durand parle à ce propos « d’inversion sotériologique du temps » et du Graal comme « uchronie fondamentale » ; aussi voit-il en Parsifal le couronnement de l’Œuvre wagnérien : « Il faut en effet qu’à la Nigredo de Wotan, l’Albedo de Siegfried et à la Rubedo de l’amour s’ajoute un quatrième terme sur lequel doit déboucher l’Œuvre alchimique. » Mais le bouclage ainsi opéré est-il vraiment la réponse philosophale à l’annulation de tout « monde » sur laquelle s’était clos le Ring ? Et Brünnhilde n’a-t-elle consenti au sacrifice suprême que pour voir ce même monde sitôt repris en main par les chevaliers du Graal, exorcisant le « féminin » à défaut sans doute de l’avoir en eux intégré et transmuté ?

La question posée par la souffrance d’Amfortas déborde donc très vite, on le voit, celle de la tentation de la Nuit ; ou plutôt elle en déplore l’enjeu philosophal vers une christianisation si exemplaire qu’elle exaspéra Nietzsche et tous ceux qui y virent une édulcoration de l’enjeu dont était porteuse la dramaturgie wagnérienne dans le Ring : reconquête du Graal et quête de la Pierre n’étant pas exactement superposables si l’on considère, comme Jung, que la blessure du roi-pêcheur symbolise la souffrance chrétienne « contre laquelle les alchimistes cherchaient la panacée. » Mais comment lire le Ring, dont Nietzsche disait qu’il est un prodigieux système de pensée sans la forme conceptuelle de la pensée. » 

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