Ill. : Jean-Louis Costes. Texte : Antonin Artaud par Camille Dumoulié, éditions du Seuil, collection Les Contemporains
Tout se précipite. Convaincu d’être prédestiné, il cherche dans l’astrologie et la voyance les preuves de son élection. Les signes convergent : ses pressentiments vont se réaliser, son destin s’accomplir.
Au début de l’année 1937, il trouve chez René Thomas une canne couverte de nœuds et hérissée de pointes dont il s’empare, affirmant qu’il s’agit de la canne de saint Patrick, laquelle, selon une certaine prophétie, serait ramenée en Irlande à la fin des temps. Quelques semaines avant de s’embarquer pour Dublin, au début du mois d’août, presque réduit à un état de clochardisation, il déambule dans Paris en brandissant sa canne et fulmine contre tous ceux qui voudraient la toucher comme ils toucheraient son sexe.
Pour se préparer à sa mission, il tente à plusieurs reprises des cures de désintoxication, demande pourtant à ses amis de lui procurer de l’opium, mais leur affirme dans les mêmes lettres que seule l’abstinence le met dans l’état de réceptivité le meilleur pour répondre aux sollicitations de l’au-delà. Pendant cette période troublée, il envisage de se marier avec une jeune fille, Cécile Schramme dont il rencontre les parents à Bruxelles.
Dans cette même ville, il réalise une conférence qui laisse l’assistance stupéfaite, il y parle de la masturbation chez les Jésuites. Le projet de mariage a précipité le délire. Un effroi devant la « brutalité sexuelle » et la « bestialité monstrueuse » de la femme le saisit. Il accuse sa fiancée de « prostituer l’ange qu’elle pourrait être » et de livrer son corps à la concupiscence de tous les hommes.
Non seulement le mariage n’aura pas lieu, mais Artaud
écrit d’Irlande à ses amis de nier auprès de tous qu’il ait jamais eu le projet
de se marier, ce qui mettrait sa nouvelle mission en péril. Devant la haine de
l’autre sexe, contre l’horreur d’un féminin castrateur, il dresse sa canne
sacrée, qui imposera le pouvoir de l’homme sur la femme.
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