Mondschein

Heidegger a montré comment « tout se sélénise » en l’attente d’un or improbable, tout semble en effet basculer sous l’attraction d’un gris-bleu en quoi trouve à se dire l’énigme de la présence / absence poétique sur cette terre désastrée. Or, si l’on se souvient que Spengler voyait dans le bleu-vert la couleur « atmosphérique » et musicale par excellence, décorporisante, éveillant « les impressions de la distance, du lointain, de l’infini » intimement liées aux volontés expansives de l’Occident faustien, on ne peut qu’être frappé de ce que le désir de transmutation de ce même destin ait trouvé chez Trakl à se loger dans la seule et inédite bleuité où décomposition et régénération entrées dans le tacite de la Nuit occidentale « teintent » pour ainsi dire alchimiquement toute chose de la même clarté douce et transie. La terreur inouïe de la bleuité chez Trakl paraît une manière de conjurer le mouvement unilatéralement centrifuge qui, disait Rilke, rend le visage de l’homme occidental tout « encombré d’extériorité. »

Edvard Munch : Mondschein
Françoise Bonardel : Philosophie de l’alchimie

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