Source : La Cabale, nouvelles perspectives, par Moshe Idel, traduit de l’anglais par Charles Mopsik, éditions du Cerf, collection Patrimoine judaïsme, relecture en cours, septembre 2018-avril 2024.
Selon R. David, toute tentative pour visualiser les
séphiroth elles-mêmes est interdite : nous devons plutôt visualiser leurs
couleurs. Pour cette raison, le point de mire de l’activité humaine durant la
prière kabbalistique n’est pas le domaine séphirothique mais un monde de
couleurs produites par l’imagination créative des kabbalistes. Ces couleurs
imaginaires étant les « couvertures » des séphiroth, elles
constituent un niveau ontologique inférieur ouvert à la manipulation et à la
contemplation humaine.
Le rapport exact entre le fait que les couleurs sont
humainement créées et leur statut ontique comme enveloppe des séphiroth n’est
pas clair ; il pourrait être lié au monde des lumières émanant des
séphiroth selon la théosophie de l’auteur anonyme du Tikkuney Zohar et
du Ra’ya Mehemna. Le détail des correspondances entre les Séphiroths et
leurs parallèles dans le monde imaginaire des couleurs apparaît dans une
tradition hautement ésotérique transmise oralement ou sous forme abrégée, ou
dans des notes. L’objectif de ce type de prière est manifestement
théurgique ; au moyen du processus de visualisation, le kabbaliste attire
l’influx du royaume supérieur vers le monde qui lui succède, et enfin dans
notre monde.
Nous pouvons donc présumer que le processus de
visualisation permet l’ascension de la faculté imaginative du kabbaliste à un
niveau ontologique plus élevé et que, seulement ensuite, il est capable
d’attirer l’influx divin ici-bas. Avant de procéder à la description de cette
technique de prière, j’aimerais fournir et discuter brièvement deux textes qui
me semblent très significatifs pour comprendre la nature mystique de la
visualisation des couleurs. D’un point de vue conceptuel, un système de pensée
kabbalistique très proche de celui-ci transparaît dans les écrits de R. Joseph
ben Shalom Ashkénazi, appelé aussi R. Joseph ha-Arokh, un kabbaliste de la fin
du treizième siècle qui immigra d’Allemagne, vers Barcelone.
Les affinités sont indiscutables : « Les
philosophes ont déjà écrit sur le problème de la prophétie, ils ont dit qu’il
n’est pas impossible qu’il y ait une personne à laquelle des choses
apparaîtront dans sa faculté imaginative, comparable à celles qui apparaissent
à la faculté imaginative pendant un rêve. Tout cela peut avoir lieu lorsqu’une
personne est éveillée, et que tous ses sens sont annihilés, tandis que les
lettres du nom divin se tiennent devant ses yeux, en des couleurs assemblées.
Parfois, il entendra une voix, un souffle, un discours, un coup de tonnerre, un bruit par tous les organes des sens de l’audition et il verra avec sa faculté imaginative par tous les organes de la vue, il dégustera par tous les organes du goût, et il touchera par tous les organes du toucher, et il marchera et il lévitera. Tout cela pendant que les lettres sacrées sont devant ses yeux et que les couleurs les couvrent. » Tel est le sommeil de la prophétie.
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