Après que son corps a été traîné et ravagé au point de montrer tous ses organes, on décide de le faire passer « par le première bouche d’égout rencontrée » et la foule s’acharne à en faire une sorte d’horrible corps sans organes, réduit à n’être plus qu’un squelette emporté dans un flot d’humeurs malsaines. « Ainsi, on a fait partir la peau en mettant à vif le squelette que l’on tient à laisser intact, mais une fois limé, il est encore trop large sans doute et on balance son corps dans le Tibre, qui l’entraîne jusqu’à la mer, suivi à quelques remous de distance, du cadavre de sa mère. » Après cet échec, et tout ce sang répandu en vain, que reste-t-il d’Héliogabale qui soit pour Artaud un legs vivant ? Essentiellement un rythme, celui d’un geste double et toujours repris qui est, dans la réalité, comme l’écho de la première vibration sonore émanant des principes « qui jouent parallèlement et se composent pour faire naître la vibration. » Cette musique, Artaud la réinvente par le rythme incantatoire de son écriture dictée et la volonté affirmée d’oraliser son texte, par les sortes de litanies et les balancements obsédants qui le composent. Ainsi, Artaud dictant Héliogabale, joue un théâtre d’identification, souffle à souffle, qui fait revivre cet effort non réalisé par lequel se définit, comme tout acteur, Héliogabale… De même qu’Héliogabale avance précédé de son totem, « le membre force » du phallus, de même Artaud va s’armer d’une canne phallique et magique dont les éclairs que sa pointe de fer fait jaillir du pavé doivent allumer les feux de l’Apocalypse.
Camille Dumoulié : Antonin Artaud
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