Athanor

Source : Antonin Artaud par Camille Dumoulié, éditions du Seuil, collection Les Contemporains.

La Coquille et le Clergyman est le seul scénario qui fut porté à l’écran. À un niveau psychologique, ainsi que l’a très bien montré Carlo Pasi, l’histoire se lit comme un scénario œdipien. Le fils clergyman, pris entre l’interdit sexuel qui pèse sur le clerc et la puissance virile de l’homme, tente, à travers un conflit avec le père, de conquérir la femme-mère. A un niveau mythique, c’est une nouvelle histoire de la membrane, de sa métamorphose et du combat que mène l’homme désireux de connaître avec et contre elle, une nouvelle naissance.

La scène s’ouvre sur l’image du clergyman qui transvase des liquides au moyen d’une sorte de coquille d’huître qu’un officier, traînant après lui, « un sabre énorme », vient briser « d’un gigantesque coup d’épée. » Il s’agit à tous égard d’une scène primitive, celle de la possession sexuelle de la mère par le père devant le fils, mais celle aussi d’une tentative de renaissance par la quête d’une nouvelle matrice alchimique, contre la naissance avortée, à laquelle nous sommes condamnés.

De même qu’il faut cribler, lacérer la membrane originaire pour que naissent de nouveaux êtres et de nouvelles formes, de même, le clergyman brise les fioles matrices qui contiennent le liquide qu’il renverse dans l’alchimique coquille. Les épisodes qui suivent décrivent les diverses étapes de la lutte contre la figure paternelle mais aussi du combat avec la femme mère. Ce dernier est rythmé par les pulsations de la membrane.

Que le rêve de fusion et le désir incestueux soient sur le point de se réaliser et les images sont emportées dans un flux liquides. Que la fusion échoue, et la membrane se solidifie en une carapace de coquillage recouvrant les seins de la femme, figurant la dureté et la stérilité qui réveille les pulsions sadiques du fils clergyman contre la mère. Le scénario se termine par le retour de la coquille sur laquelle repose une tête qui n’est autre que celle du clergyman : « Comme il approche la coquille de ses lèvres, la tête se fond et se transforme en une sorte de liquide noirâtre qu’il absorbe en fermant les yeux. »

Cette dernière image annonce un auto-enfermement du fils qui se recueille lui-même dans la coquille matricielle, absorbe le corps avorté de la naissance et, après ce que Guy Rosolato, appelle une « véritable autophagie » pourra renaître de lui-même, en un corps neuf.

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