Astral

Source : Philosophie de l’alchimie, Grand Œuvre et modernité, par Françoise Bonardel, éditions Presses Universitaires de France, collections Questions, relecture juillet 2009-mai 2024, ouvrage rédigé en style pythique.

L’Occident serait-il donc, comme le pensait Raymond Abellio, le centre d’une croix invisible où sont appelés à se transmuter réciproquement amplitude et intensité ?

Processus constituant d’après lui la vocation ultime du regard occidental accompli. Moins sensible que Guénon à la décomposition culturelle issue de l’éloignement du Principe métaphysique qu’à la crucifixion subie, Abellio considère ce « déclin » comme le moment privilégié de la « construction de l’Arche », préparant l’accès à une Gnose transfigurante rendue possible par « cette rare conjonction de l’héroïsme et de la réflexion qui est le privilège et le drame exceptionnels de l’Occident. » Subissant actuellement la dissociation de ses potentialités et de leur actualisation, l’Occident vit ce qu’Abellio nomme un « existentialisme infantile. » Aussi, nommant lucidité ce qui n’est qu’écartèlement, est-il devenu « le lieu de prédilection de la mauvaise conscience des intellectuels qui sont pris dans ce dilemme de passer pour des aventuriers ou des impuissants »

Refusant le lien illusoire proposé par toute mystique, Abellio préconise alors de travailler alchimiquement à une solution « gnostique » susceptible d’opérer un passage dialectique entre ces postulations et dont les phrases essentielles seraient dans la conscience du pouvoir d’abstraire, dans celle du pouvoir de mourir, puis dans les transfigurant du pouvoir d’aimer. Familiarisé depuis des siècles avec le premier de ces pouvoirs, rompu par sa situation historique avec le deuxième, l’Occident aurait pour tâche ultime d’accéder à une vision réfléchie de lui-même, à une « majorité du regard » aussi absolue qu’absolvante. 

Conscience de soi devenue universelle, et non seulement européenne, trouvant dans son universalité même une réciprocité gratifiante : « L’Occident est partout où la conscience devient majeure, il est le lieu et le moment de la naissance éternelle de la conscience absolue. » Empruntant cette articulation ternaire aux sciences « traditionnelles », et tout particulièrement à l’alchimie, plus qu’à Hegel, Abellio voit également dans la phénoménologie husserlienne une des voies d’accès privilégiées à une Gnose définie comme « science des systèmes ouverts. »

Valorisée en tant que science des configurations et transfigurations les plus diverses, c’est-à-dire au fond en tant qu’Ars Magna, l’alchimie prend place chez Abellio au sein d’une énergétique générale enseignant une « maîtrise des forces cosmiques » dont il n’est pas dit qu’elle travaille si alchimiquement que ça à l’exhaustion du troisième pouvoir précité si la transfiguration opérée demeure l’hyperstase d’une intellectualité confondant sacrifice héroïque et dépouillement initiatique. Qu’entendre d’ailleurs par « structure d’inversion intensificatrice d’inversion » dont Abellio fait en quelque sorte sa Pierre philosophale en ce qu’elle permettrait « un retour permanent de la multiplicité à l’unité par l’intermédiaire de l’unité. »

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