« Alexandrie, si je t’oublie… »

Source : La Voie hermétique, introduction à la philosophie d’Hermès, par Françoise Bonardel, édition Dervy, collection Poche, quatrième édition.

Une séduisante métaphore, récurrente dans les ouvrages savants autant que littéraires (L. Durrell, M. Yourcenar) veut qu’Alexandrie ait été, aux premiers siècles de l’ère chrétienne, un creuset culturel incomparable. « Creuset, foyer, mortier, haut-fourneau, alambic, où se mêlent se distillent, s’infusent et se transfusent tous les ciels, tous les dieux, tous les songes : Alexandrie, au deuxième siècle, écrit J. Lacarrière, peu avare de redondances dans l’évocation de cette surabondante alchimie. » Mais sitôt qu’il s’agit d’apprécier quel « Or » produit par cette fermentation scientifique, philosophique et religieuse, les avis divergent au point que le fameux athanor alexandrin semble parfois n’avoir généré qu’un syncrétisme confus, préfigurant le bariolage culturel moderne.

Il n’est, pour mesurer ce risque, que de ce remémorer le témoignage de l’empereur Hadrien, à l’issue de sa visite dans la province d’Alexandrie : « Les adorateurs de Sérapis y sont chrétiens et ceux qui s’intitulent évêques chrétiens adorent Sérapis. Impossible d’y trouver un archi-synagogue, un samaritain, in chrétien qui ne soit en même temps astrologue, devin et charlatan. Quand le patriarche vient en Egypte, les us le contraignent à adorer Sérapis, les autres à adorer le Christ. Ils n’ont qu’un seul Dieu. Il est adoré des Chrétiens, des Juifs et de tous les autres peuples (Fl. Vopiscus, Historia Augusta Saturninus, VIII) Quelle place dans tout cela pour la révélation hermétique ?

Un des premiers exégètes modernes de l’hermétisme, Louis Ménard, n’a pas manqué d’évoquer lui aussi « cette étonnante chimie intellectuelle qui avait établi son principal laboratoire à Alexandrie. » Les livres hermétiques auraient d’après lui constitué un trait d’union entre les gnostiques, autant les sectes connues sous ce nom que l’école juive de Platon d’Alexandrie, et les néoplatoniciens Plotin et Ammonios Saccas.

Ménard met également l’accent sur la continuité d’une sorte de tradition pastorale, Poimandrès est en effet pasteur, issue des écoles des thérapeutes égyptiens, dont l’enseignement se serait prolongé dans la révélation hermétique qui fit du Trismégiste l’initié et l’initiateur de toute gnose. C’était rendre hommage à l’hermétisme que d’en exhumer ainsi la fonction médiatrice dans l’histoire des idées philosophiques et religieuses.

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