« Y’a pas d’hélice hélas, c’est là qu’est l’os »

 

Comme le dit Mandelbrot au sujet du voyageur, on peut imaginer qu’un homme marche le long d’un déambulatoire, rasant chaque chapelle au plus près possible. Mais, si l’on remplace notre moine par une souris, puis par une mouche, voire par une fourmi, le parcours ne sera plus le même et s’allongera chaque fois de façon considérable. Plus le mur est serré de près, plus longue sera la distance à parcourir. Et chaque fois qu’on y pénètre davantage, de nouveau détours se manifestent, de nouveaux coudes viennent allonger le parcours, de sorte que du moine à la fourmi en passant de la souris à la mouche, on ne se heurte jamais au même monde, aux mêmes événements. Entre le parcours du déambulatoire, et le relief du mur s’ouvre une variété de chemins possibles, et l’on ne passe pas de l’un à l’autre sans devenir une bête, une foule de personnages dissemblables — un ange. Il n’y a pas simplement à chaque saut vers la limite murale, un excès de la dimension, un surnombre, ou un supplément quant à une estimation exacte, métrique du pourtour… Il n’y a plus que le surnuméraire. Il y a le devenir… D’une division à l’autre, nous rapprochant du mur, il n’y a pas seulement une prolifération de parties, un pullulement de parties, au sens ensembliste, mais chaque partie se déforme, entre dans de nouvelles relations de voisinage, de même que se modifient les sujets capables de traverser ces régions hétérogènes, moines, souris, mouches, puces, anges, et peut-être ne devient-on ange qu’en affrontant tous les seuil, tous les gradients, tous les degrés, c’est-à-dire tous les parcours qu’effeuille une multiplicité de cette nature ?

Jean-Clet Martin : Ossuaires

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