Source : Le Chamanisme et les techniques archaïques de l’extase par Mircea Eliade, éditions Payot, collection Bibliothèque historique Payot.
Les sept couleurs de l’arc-en-ciel ont été associées
aux sept cieux, symbolisme que nous rencontrons aussi bien dans l’Inde et la
Mésopotamie que dans le judaïsme. Sur les fresques de Bâmiyân, le Bouddha est
représenté siégeant sur un arc-en-ciel à sept rayons, c’est-à-dire qu’il
transcende le cosmos, exactement comme dans le mythe de la Nativité, il
transcende les sept cieux en faisant sept enjambées dans la direction du Nord
et en atteignant le Centre du Monde, le pic culminant de l’univers.
Le trône de Dieu est entouré d’un arc-en-ciel
(Apocalypse 4,3) et le même symbolisme persiste jusque dans l’art chrétien de
la Renaissance. La ziggurat babylonienne était parfois représentée avec sept
couleurs, symbolisant les sept régions célestes : en escaladant les sept
étages, on atteignait le sommet du monde cosmique. Des idées similaires se
rencontrent en Inde, et, ce qui est encore plus important, dans la mythologie
australienne. Le dieu suprême des Mamilaroi, des Wiradjuri et des Euahlay,
habite le ciel supérieur, assis sur un trône de cristal ; l’Être suprême
des Kulin se tient au-dessus des nuages. Les héros mythiques et les medecine
men montent vers ces Êtres célestes en utilisant, entre bien d’autres moyens
l’arc-en-ciel.
On se souvient que les rubans des initiations bouriates portent le nom d’arc-en-ciel et symbolisent le voyage du chaman au ciel. Les tambours chamaniques portent des dessins de l’arc-en-ciel, représenté comme un pont vers le Ciel. Dans les langues turques, du reste, l’arc-en-ciel a aussi la signification de pont. Chez les Yurak-Samoyèdes, le tambour chamanique est nommé arc ; par sa magie, le chaman est projeté comme une flèche vers le ciel. En outre, il y a des raisons de croire que les Turcs et les Ouïgours considéraient le tambour comme un « pont céleste » (arc-en-ciel) sur lequel le chaman exécutait son ascension. Cette idée s’intègre dans le symbolisme complexe du tambour et du pont, qui représentent chacun une formule différente de la même expérience extatique : l’ascension céleste. C’est par la magie musicale du tambour que le chaman peut atteindre le plus haut ciel.
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