Fleuve impassible

 

Le Chaman s’élève au Ciel à l’aide d’une corde spécialement descendue pour lui et comme il bouscule les étoiles qui obstruent son chemin. Dans le ciel, le Chaman se promène dans une barque et descend ensuite sur la terre le long d’une rivière, avec une rapidité telle que le vent lui passe à travers. Avec l’assistance des démons ailés, il pénètre sous la terre ; il y fait si froid qu’il demande un manteau à l’esprit des ténèbres, Ama, où à l’esprit de sa mère. A ce point du récit, quelqu’un des assistants lui jette un manteau sur les épaules. Finalement, le chaman remonte sur terre et entretient chacun des assistants de son avenir et déclare aussi au malade que le démon qui a causé son mal a été éloigné.

On voit qu’il n’est plus question d’une extase chamanique, impliquant l’ascension et la descente concrète, mais d’un récit plein de souvenirs mythologiques et ayant comme point de départ une expérience qui précède sensiblement le moment de la cure. Les chamans tazowsky, ostyaks et yuraks parlent de leur vol merveilleux à traves des roses en fleur ; ils s’élancent si loin dans le Ciel qu’ils voient la toundra à une distance de sept verstes ; très loin, ils aperçoivent le lieu où leurs maîtres ont fait jadis leurs tambours, le Centre du Monde. Ils parviennent finalement au Ciel et, après maintes aventures, pénètrent dans une hutte en fer où ils s’endorment, entourés de nuages pourpres. Pour redescendre sur terre, ils empruntent une rivière et le chant fini par un hymne d’adoration à toutes les divinités en commençant par le Dieu du ciel.

Mircea Eliade : Le Chamanisme et les voies de l’extase

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