Extraction

 

Source : Le Chamanisme et les techniques archaïques de l’extase par Mircea Eliade, éditions Payot, collection Bibliothèque historique Payot.

L’initiation proprement dite débute par une opération sur laquelle nous sommes assez mal renseignés. Des yeux, du cerveau et des entrailles du disciple, le vieux angahok extrait son « âme » afin que les esprits connaissent ce qu’il y a de meilleur dans le futur chaman. Après cette « extraction de l’âme », le candidat sera capable de retirer lui-même l’esprit de son corps et d’entreprendre les grands voyages à travers l’espace et les profondeurs de la mer. Il se peut que cette mystérieuse opération ressemble en quelque sorte aux techniques des chamans australiens.

En tout cas, l’extraction de l’âme et des entrailles camoufle mal un « renouvellement » des organes internes. Ensuite, le maître lui procure « l’angakoq » appelé aussi « qaumaneq », c’est-à-dire son éclair ou son illumination, car l’angakoq consiste en une lumière mystérieuse que le chaman sent soudainement dans son corps, au cœur même du cerveau, un inexplicable phare, un feu lumineux, qui le rend capable de voir dans le noir, au propre comme au figuré, car, maintenant, il réussit, même les yeux clos, à voir à travers les ténèbres, et à apercevoir des choses et des événements futurs cachés aux autres humains ; il peut de la sorte connaître aussi bien l’avenir que les secrets des autres.

Le candidat obtient cette lumière mystique après de longues heures passées, assis sur un banc, dans sa cabane, à invoquer les esprits. Quand il en fait la première fois l’expérience, c’est « comme si la maison dans laquelle il se trouve s’élevait tout à coup ; il voit bien loin devant lui, à travers les montagnes, exactement comme si la terre était une grande plaine, et ses yeux touchent aux confins de la terre. Rien n’est plus caché devant lui. Non seulement, il est à même de voir très loin, mais il peut également découvrir les âmes volées, qu’elles soient gardées, cachées dans d’étranges régions lointaines, ou qu’elles aient été emportées en haut ou en bas, dans le pays des morts.

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