Source : Le Chamanisme et les techniques archaïques de l’extase par Mircea Eliade, éditions Payot, collection Bibliothèque historique Payot.
Les cristaux de roche, en relation avec le Serpent
arc-en-ciel, octroient la faculté de s’élever au Ciel. Ailleurs, les mêmes
pierres donnent le pouvoir de voler, comme le mythe américain noté par Boas (Indianische
Sagen, berlin 1895, p.152) où un jeune homme, en escaladant une
« montagne brillante » se couvre de cristaux de roche et
immédiatement se met à voler. La même conception d’une voûte céleste solide
explique les vertus des météorites et des Pierres-de-foudre : tombées du
Ciel, elles sont imprégnées d’une vertu magico-religieuse qui peut être
utilisée, communiquée, diffusée ; c’est, en quelque sorte, un nouveau
centre de sacralité ouranienne sur terre.
Toujours en relation avec ce symbolisme ouranien, il
faut aussi rappeler le motif des montagnes ou palais de cristal que les héros
rencontrent dans leurs aventures mythiques, motif qui s’est conservé également
dans le folklore européen. Enfin, une création tardive du même symbolisme parle
de la pierre frontale de Lucifer, et des anges déchus (détachée lors de la
chute, dans certaines variantes) des diamants qui se trouvent dans la tête ou
dans la gueule des serpents, etc.
Bien entendu, nous avons affaire à des croyances
extrêmement complexes, maintes fois élaborées et revalorisées, mais dont la
structure fondamentale reste encore transparente : il est toujours
question d’un cristal ou d’une pierre magique détachés du ciel et qui, bien que
tombés sur terre, continuent à dispenser la sacralité ouranienne, c’est-à-dire
la clairvoyance, la sagesse, le pouvoir de divination, la capacité de voler,
etc.
Les cristaux de roche jouent un rôle essentiel dans la magie et la religion australiennes et leur importance n’est pas moindre dans tout l’espace ouranien et les deux Amériques. Leur origine ouranienne n’est pas toujours attestée dans les croyances respectives mais l’oubli de la signification originaire est un phénomène courant dans l’histoire des religions. Ce qui nous importe, c’est d’avoir montré que les medecine men d’Australie et d’ailleurs rattachent, d’une manière obscure, leurs pouvoirs à la présence de ces cristaux de roche à l’intérieur de leur corps même. C’est dire qu’ils se sentent différents des autres humains par l’assimilation, dans le sens le plus concret du mot, d’une substance sacrée, d’origine ouranienne.
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