L’ascension du chaman altaïque a sa contrepartie dans
sa descente aux Enfers. Cette cérémonie est de beaucoup plus difficile et, bien
qu’elle puisse être entreprise aussi par des chamans qui sont en même temps
« blancs » et « noirs », elle est naturellement la
spécialité de ces derniers. Radlov n’a pas réussi à assister à aucune séance
chamanique de descente. Anochin, qui a recueilli les textes de cinq cérémonies
d’ascension, n’a rencontré qu’un seul chaman qui ait consenti à lui répéter les
formules d’une séance de descente. Son informateur était un chaman « blanc
et noir » et c’est pourquoi peut-être dans son invocation à Erlik, il
faisait aussi allusion à Baï Ülgän, « celui d’en haut. » Anochin
donne seulement les textes de la cérémonie sans indication sur le rituel
proprement dit.
Suivant les textes, le chaman semble descendre
verticalement et l’un après l’autre les sept « escaliers » ou régions
souterraine appelée « pudak », obstacles. Il est accompagné par ses
ancêtres et ses esprits auxiliaires ; à chaque obstacle franchi, il décrit
une nouvelle épiphanie souterraine ; au deuxième obstacle, il paraît faire
allusion à des bruits métallique ; au cinquième obstacle, il entend des
vagues et le sifflement du vent ; enfin, au septième, où se trouvent aussi
les bouches des neufs fleuves souterrains, il aperçoit le palais d’Erlik Khan,
bâti en pierre et en argile noire, et défendu de toutes parts. Le chaman
prononce une longue prière devant Erlik, où il mentionne aussi Baï Ülgän,
« celui d’en haut » et il revient ensuite dans la yourte où il fait
part aux assistants du résultat de son voyage.
Mircea Eliade : Le Chamanisme et les voies de l’extase
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