Source : La Cabale, nouvelles perspectives, par Moshe Idel, traduit de l’anglais par Charles Mopsik, éditions du Cerf, collection Patrimoine judaïsme, relecture en cours.
Le premier auteur qui ait noté une ressemblance
spécifique entre la kabbale et les idées gnostiques semble être Cornelius
Agrippa de Nettesheim. Dans son De incertitudine scientarum, il suggère
que les superstitions kabbalistiques juives ont influencé des gnostiques comme
les « Ophitae, Gnostici, et Valentiani haeretici » et il
évoque à ce propos l’usage des « nombres et des lettres. »
L’allusion d’Agrippa est très vague et il est assez
difficile de pénétrer la signification précise de son affirmation faisant état
d’une influence kabbalistique pernicieuse sur les différentes écoles
gnostiques. Il semble cependant qu’il ait pu avoir à l’esprit l’affinité entre
des œuvres comme le Shi’ur Qomah ou la littérature des Palais qui lui
est associée, qu’il avait déjà mentionnée dans un ouvrage précédent, le De
Occulta philosophia, et la théorie gnostique de Marc, rapportée par Irénée,
concernant la grande taille des figures divines dont les descriptions sont
combinées à des nombres et des lettres.
Cette interprétation de la considération d’Agrippa le
situe en tête d’une série de chercheurs qui soutiennent que la théorie de Marc
a été influencé par des conceptions mystiques juives anciennes liées au Shi’ur
Quomah. Parmi eux figurent E. Benamozeg, M. Gaster, G. Scholem, Gedaliahu
G. Stroumsa et moi-même. Pour Agrippa, la similitude entre les motifs
kabbalistiques et gnostiques fait apparaître le potentiel hérétique de la
mystique juive ; comme son contemporain juif plus âgé, Del Medigo, il
pensait que la découverte d’une ressemblance entre la kabbale et un autre corps
de doctrines démontrait la nature hérétique de la première. La trouvaille
d’Agrippa fut répétée par quelques sources chrétiennes du seizième siècle et
répétée par Simone Luzzato.
Après avoir traité de la théosophie kabbalistique,
Luzzato écrivit que, à partir de ses idées, les Valentiniens, Gnostiques, et
d’autres hérétiques anciens, ont dévié comme des bâtards, comme on peut le
constater en lisant Épiphane, le docteur grec, ou Irénée, le Romain. »
L’insistance d’Agrippa sur la nature pernicieuse de la kabbale est remplacée
par la considération du gnosticisme comme une déviation de la doctrine juive
ancienne. Il restait à l’étude moderne du gnosticisme à reconnaître
progressivement l’importance de l’ancien mysticisme juif pour une meilleure
compréhension de l’émergence de la pensée gnostique ; cependant, elle
n’accorde pas une intention suffisante à la remarque d’Agrippa.
Seul Adolphe Franck écrivit : « Nous sommes donc forcés d’admettre que le gnosticisme emprunta beaucoup sinon précisément au Zohar tel que nous le connaissons aujourd’hui, du moins aux traditions et aux théories contenues en lui. » La principale tendance de la recherche moderne sur la kabbale suivit néanmoins la direction opposée ; très fréquemment, la kabbale a été présentée comme un mouvement mystique influencé sur des points essentiels par la pensée gnostique.
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