Source : Et Dieu joue aux dés, par Jean-Clet Martin, éditions Presses Universitaires de France
La boîte de Pandore n’est intéressante que par son
couvercle, par ce qu’elle cache, peut-être par tout ce qu’elle ne contient pas,
toujours inoccupée, appelant la curiosité qui cherche un double fond, la
serrure dont le trou permettrait à la clef de tourner.
De nombreux objets sacrés se présentent de cette
manière. L’arche perdue ne nous sollicite que par son caractère introuvable,
derrière le tabernacle d’or qui ne la contient plus. Dieu lui-même se donne sur
le mode de l’absence, derrière une paroi qui se dérobe, qu’on ouvre en gigogne
pour contenir une origine finalement retirée. Inscription d’Isis qui n’est rien
de plus qu’une signature, une écriture enlevée au burin, creusée dans l’absence
de matière qui la révèle. Restent les dés.
Un énorme geste décoratif cerne généralement les
coffrets, les boîtes, en couches de plus en plus nombreuses, plus belles sans
doute ce qui se retire invisible, sous le paravent. Dans n’importe quel
système, comme le montre Gödel, « séjourne » un point d’échappement,
un trou qui nous renvoie à un indécidable. Un mouvement de fond qui trace le
cercle du zéro, néant qu’il nous faut sauter sans cesse comme une origine
inaccessible.
En négociant par la géométrie cette difficulté, on peut supposer autour de zéro un pivot qui fait des ronds, un point mystérieux autour duquel gravite le cercle trigonométrique. On dirait la rotation d’un dé, lâché dans la création et dont les faces indiquent les chiffres qui sont loin d’être naturels ou rationnels. Là où tourne ce cercle, le dé qui s’y niche décline des arêtes impossibles à arrondir.
Que trouver dans ce cercle, quel dé montrera le déroulement impeccable de ses chiffres ? Peut-être une boîte qui clôt le secret de Pandore, au centre vide. Alors, le néant n’a pas de propriété, mais les réclame toutes, à la manière d’un appel d’air. C’est bien ce qui nous captive, nous conduit à l’exploration de son contenu.
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