« Solitude is not given, it is earned »

 

John Symonds a rencontré Crowley pour la première fois dans la vieille maison où il s’était retiré. Il avait soixante-dix ans. Sur une photo de l’époque, il est méconnaissable. Il a beaucoup maigri. Il n’a plus le crâne rasé, mais il est à moitié chauve. Il a une moustache et une barbiche blanche. Il porte une veste de tweed et une cravate. Il fume la pipe. Il continuait à se droguer. « Ce qui frappait le plus dans son visage, c’était l’expression douloureuse du regard ; celle de quelqu’un qui a traversé l’enfer. » Il avait l’air épuisé. Il parlait d’une voix nasillarde qui ne semblait pas être la sienne. « Lorsqu’il s’exprimait, on eût dit qu’une voix parlait derrière lui, qu’il était ventriloque : une marionnette ou une ombre fumant la pipe. » Et au bout d’un moment, le visiteur sentit, derrière l’apparence physique du maître des lieux, quelqu’un d’autre, ce qui lui fit froid dans le dos. L’espace d’un instant, Synonds crut avoir affaire à un sosie, ou même à un mannequin. Le vrai Crowley devait être au premier étage, en train de ricaner, tout en consultant les tarots.

Robert Bréchon : Étrange étranger

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