Ce n’est pas seulement le moi qui porte des masques
pour lui-même, ce sont les autres qui en portent à ses yeux ; c’est lui
qui, sans le savoir, en présente d’inattendus aux autres. Rappelons-nous de
cette merveilleuse scène finale du Temps retrouvé, où l’auteur,
retournant dans le monde, après une longue retraite, croit avoir été invité à
un bal masqué et, ne reconnaissant plus personne, n’étant plus reconnu de ceux
qui étaient ses amis et ses familiers, s’imagine que tous portent des masques
et que le thème du déguisement de cette soirée est une fantaisie burlesque et
funèbre, qui est de se travestir en vieillard. Chacun des invités, à son tour,
croit constater la même transformation ridicule chez tous les autres, alors
qu’il se croit lui seul jeune encore. Tous portent un masque involontaire, et
un masque qui ne les flatte pas. Et toutes ces mascarades différentes se
reflètent et se multiplient les unes dans les autres dans une perspective de
miroirs.
Georges Buraud : Les Masques
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