C’est justement dans les situations les plus difficiles
que nous ne possédons aucun moyen de contrôle. Ce qui nous apparaît bon et
nécessaire, ce qui nous sert de repère dans nos actions, n’a pas de valeur
absolue. Même ces vérités pour lesquelles nous sommes prêts à verser notre
sang, peuvent apparaître devant le jugement de Dieu comme un mal et un
mensonge. Ce fut justement le cas des moines catholiques. Ils étaient persuadés
de plaire à Dieu par leurs vœux de chasteté, de pauvreté et d’abstinence, et
dans ces vœux Dieu n’entendit que blasphèmes. Il ne nous est point donné de
pénétrer le mystère de la volonté divine. « C’est Dieu, à la volonté
duquel on ne peut attribuer aucune cause, ni aucune raison qui lui seraient
prescrites comme une règle et une mesure ; car rien ne lui est égal ou
supérieur, et lui-même est la règle de tout. En effet, si sa volonté avait une
règle ou une mesure, une cause ou une raison, ce ne pourrait plus être la
volonté de Dieu. Ce n’est pas parce qu’il doit ou devrait vouloir ainsi, que ce
qu’il veut est juste ; mais au contraire, parce qu’il le veut ainsi, tout
ce qui arrive doit être juste. La volonté de la créature est soumise à une
cause et à une raison, mais non la volonté du Créateur, à moins que tu ne lui
préfères un autre créateur. » C’est ainsi que le grossier Luther répond à
l’Érasme, le philosophe raffiné de la Renaissance.
Léon Chestov : Sola fide
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