« To be great is to be misunderstood »

 

Source : Aleister Crowley, la biographie par Tobias Churton, traduction par Frédérique Porta Delsol, éditions Camion noir, traduction passable.

En décembre 1909, une lettre de Victor Neuburg informait Crowley de la réception par Ernest Barnes d’un billet de la main d’un député anonyme. Barnes enseignait au Trinity College, l’université où Neuburg avait étudié, tout comme Crowley. Le billet en question accusait Crowley d’avoir fait à plusieurs reprises l’objet « d’une surveillance de la part de la police européenne ; celle-ci le soupçonnant de s’être livré à des actes de sodomie sur plusieurs garçons. »

Les opinions libérales du Révérend Barnes sur la controverse darwinienne l’associaient au mouvement de la Libre-pensée de l’Université dont Neuburg était membre ainsi que son ami Norman Mudd, secrétaire de ladite association, qui contribua par ailleurs à la diffusion du Star in the West du Capitaine Fuller. Quant au député anonyme, il devait très certainement s’agir d’Horatio Bottomley, le député de Hackney South et l’éditeur d’une feuille de chou nationaliste, le John Bull.

Il semblait inévitable que la gloire montant de Crowley finisse par froisser le populisme hypocrite et pompeux de Bottomley. D’autre part, Crowley, figure poétique de Cambridge, passait à la fois pour un dépravé, pour un agitateur antichrétien et pour le pourfendeur d’un nationalisme impérialiste et, comme, en plus, il ne manquait pas d’argent, il personnifiait la « décadence morale. » La presse à scandales s’empressa d’amplifier et d’exploiter « l’indignation publique. » Dans l’ombre, deux vieux frères de la Golden Dawn, FL Gardner et William Wynn Wescott tiraient les ficelles.

Crowley se trouvait désormais dans une position des plus vulnérables et délicates. Neuburg se disait néo-païen, il appartenait à la Pan Society de Trinity College. Or, l’Union Chrétienne de Cambridge considérait ce cénacle avec horreur, ces derniers ne valaient pas mieux que les libres penseurs.

Ainsi, lorsque l’Union Chrétienne apprit que Crowley avait été invité à s’exprimer devant la Libre Pensée, une lettre anonyme fut aussitôt envoyée au Trinity College pour dénoncer les actes pédérastes dont le Mage s’était rendu coupable. Suite à cela, le doyen et Révérend R. St John Parry donna l’ordre aux autorités d’interdire l’entrée de l’Université à Crowley, avant de convoquer Normann Mudd. L’incorruptible esprit de ce dernier avait été sensible à l’œuvre de Crowley et il finit par s’opposer à Parry, au nom des objectifs revendiqué par la libre-pensée.

N’est-il pas ironique de voir le mathématicien Mudd plaider la défense de la Magick et du bouddhisme en plein bastion scientifique. Cela nous en dit long sur la réception de la doctrine de Crowley en ce temps-là.

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