Satan expulse Satan

 

Source : Le Diable au dix-neuvième siècle, la mystification du Docteur Bataille ou la Mystification transcendante, suivi d’extraits choisis tirés de l’œuvre du Docteur Bataille, par Michel Berchmans, éditions Marabout, collection Univers secrets

En mai 1899, dans Le Matin, Serge Basset raconte une messe noire, célébrée par les Frères et Sœurs de l’Observance du Malin. À la suite de quoi, le journal fut assailli de lettres demandant comment s’y prendre pour y assister. Au point qu’il fallut insérer une note déclarant que la rédaction se refusait à faciliter à qui que ce fût, l’accès de la chapelle, la limite séparant le culte de Satan d’une impure et simple séance d’excitation érotique étant trop incertaine pour qu’on aide au recrutement de ses fidèles. Et depuis… Eh bien, les marchands de dindes des environs continuent à s’enrichir.

Mais les Lucifériens palladistes ? Ils possédaient deux temples, l’un rue Rocherchouart, le second près de l’archevêché. On y célébrait la messe blanche, la communion s’y donnant sous les deux espèces en utilisant les hosties noires, et le prêche tonnait contre Adonaï. Ils s’étaient ouverts un peu avant la parution du Diable et se fermèrent peu après. Comme c’est curieux… En tout cas, le 21 mars 1895, sortait des presses une nouvelle publication : Le Palladium régénéré et libre, aux articles sans titres, séparés par les lignes de caractères bizarres. Devant créer un lien entre les groupes lucifériens, la revue était édifiée par un bureau central de la propagande palladiste.

« La religion dite catholique romaine prétendra que nous sommes des satanistes. Catholiques romains, les satanistes, c’est vous. Nous, nous sommes lucifériens. » En juillet de la même année, Le Palladium disparaît pour faire place aux Mémoires d’une ex-palladiste, parfaite, initiée, indépendante.

Mais le mouvement ne s’interrompit pas et certes, Taxil avait rendu publique sa lettre envoyée à Léon XIII avec un exemplaire de sa Bible amusante, et qui l’est, effectivement. En substance, Taxil disait :

« Très Saint Père. On dit que vous n’êtes pas content, depuis le 19 avril de cette année, la vingtième de votre glorieux pontificat. Le dénouement inattendu de ma joyeuse mystification vous a mis, assure-t-on, en grande colère… Car, savoir qu’on a été mystifié pendant douze ans par un libre-penseur sceptique est chose éminemment désagréable quand on est le représentant de l’Esprit-Saint, quand on est directement et de façon permanente inspiré par le divin pigeon. Mais savoir que cette posture ridicule est connue du monde entier, voilà le comble du désagrément. Voilà ce qui vexe au suprême degré. Ô mon pape, quelle tuile pour le dogme de votre infaillibilité. Un fumiste de Marseille s’est payé votre vénérable tête. Horreur ! Et il avait pris ses mesures pour que sa fumisterie se terminât en éclatant comme une bombe, avec un vacarme retentissant dans la presse des deux hémisphères : malédiction ! »

Sans importance ! On assura qu’une stratégie maçonnique avait forcé Taxil à faire une confession fausse et frauduleuse. L. Fry, dans Leo Taxil et la franc-maçonnerie (1934), écrira même : « Il est incontestable que Leo Taxil avait des documents authentiques émanent de l’intérieur même des lignes sataniques. » Ce qui est, au fond, un bel éloge pour l’imagination des auteurs de la mystification.

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