« Je ne vois pas le rapport »

 

Source : Nietzsche et Salomé, la philosophie dangereuse, par Jean-Pierre Faye, éditions Grasset.

La « Geschletstrieb », la pulsion sexuelle désignée comme telle, est indiquée dans l’intitulé d’un fragment surprenant. On s’attendait à quelque longue analyse. Curieusement, il se limite à la référence à une notation de Renan qui évoque une fragmentation du corps en « homonculi » : fragments de transparence et de flamme, et porteurs de ce désir d’être, à quoi se réduit, dans son mouvement perpétuel, ce qui fut l’invention d’Homonculus par Goethe dans le Second Faust.

Les homoncules de verre vivant que Nietzsche assume étrangement comme les parties prenantes de la « pulsion sexuelle » ont quelque affinité avec les monades sans portes ni fenêtres de la fiction leibnizienne. Dans ses Fragments posthumes portant précisément sur la pulsion, sur le rapport entre la volonté de puissance et le Trieb, Nietzsche ajoutera soudain : « Leibniz est dangereux… audacieux et secret jusqu’à l’extrême. » Ce chemin des homoncules et des pulsions conduit aux notations les plus fulgurantes et singulièrement, celle qui met en doute « l’hypothèse d’un sujet unique et lui oppose mes hypothèses : le sujet comme pluralité et l’effet toujours inconscient, das Subject als Vielheit… die Wirkung, immer unbewust. »

Un tel raccourci nous est rendu possible aujourd’hui par référence aux longues investigations contemporaines qui de 1954 à 1964 ont fait émerger les figures paradoxales, chez Jacques Lacan, de ce qui s’est énoncé peu à peu comme le « sujet de l’inconscient. » Singulière figure s’il en fut : elle nous apprend, selon la façon nietzschéenne, à « mieux » douter que Descartes, et, par la façon lacanienne, elle va conduire à formuler plus curieusement encore les figures de la sexuation.

Commentaires