Source : Le Diable au dix-neuvième siècle, la mystification du Docteur Bataille ou la Mystification transcendante, suivi d’extraits choisis tirés de l’œuvre du Docteur Bataille, par Michel Berchmans, éditions Marabout, collection Univers secrets
Quand on relit ces mille huit cents
pages du Diable au dix-neuvième siècle, en négligeant les nombreux
chapitres documentaires (pas mal faits après tout) ne gardant que le récit des
aventures du docteur Bataille, une impression se dégage : la parenté
d’inspiration avec Lovecraft. Nous avons déjà souligné de tels
rapprochements : les contrées maléfiques où la nature a quelque chose de
faux et de malsain, les ruines gigantesques, vestiges de civilisations
maudites, œuvres de géants, l’origine non humaine de certaines races, mais les
points de ressemblance sont plus nombreux encore, tant dans l’esprit général du
livre que dans ses détails.
Et d’abord, l’omniprésence du culte de
Lucifer qui répond à celui de Yog-Sothtoth, le bouc aux mille chevreaux, les
mêmes invocations, la même conspiration silencieuse, dont le but est de nous
soumettre aux forces obscures, et qui, dans les deux cas, prend l’aspect d’un
culte voué aux puissance de la nuit, culte dont l’unicité est totale sous la
diversité des rites, pratiqué de même par les Noirs d’Amérique d’Afrique, les
Lamas du Tibet et les Esquimaux du Groenland, comme par les occultistes de
Londres, New York et Berlin.
Chez Lovecraft, d’autres
planètes sont sous l’emprise de ceux qui traversent l’espace sur leurs ailes.
Chez Bataille, la Terre est cernée déjà par les forces nocturnes : Adonaï
ne possède plus que notre monde, et cette autre planète, plus petite, Oolis,
sise dans le système de Sirius. De même, le Nuctaméron, très secret,
très occulte, où sont enfermés les plus terribles mystères répond au Nécronomicon
comme le livre Apadno, qui n’est pas écrit d’une vie humaine, répond aux
Manuscrits pnakotiques.
Lovecraft a mieux habillé sa
mythologie, l’a cernée de plus de ténèbres et de brouillards, ses apparitions,
floues et difformes, l’emportent de loin sur les monstres aux nets contours du
Diable, mais, entre les deux univers, il n’y a que la différence de talent.
Seulement alors que chez Lovecraft,
les hommes tremblent et perdent la raison à vouloir défier l’inconnu
monstrueux, à contempler la face sombre surgie de l’abîme, ici, on l’affronte
les yeux dans les yeux, sans trembler. Mieux même, une mystérieuse complicité,
une sympathie réelle lie les deux adversaires. Nous avons cité la rencontre du
docteur Bataille avec Athoïm-Olétath. Il le rencontre une fois encore à
Londres, dans un triangle où l’on évoque le premier des sept Hiérarques du feu.
À cette époque, ni Lucifer, ni ses adjoints ne doivent avoir des doutes quant à
la personnalité du docteur Bataille. Et pourtant, c’est le mystérieux hindou
émerge de la fosse de feu, c’est à lui seul qu’il s’adresse : « Il me
regardait, ne paraissait plus prendre garde aux autres, et, le doigt tendu, il
disait : toi, toi, toi… »
Si le docteur Bataille n’avait dû rester fidèle à son personnage, nous l’aurions sans doute vu séduit par cette amitié diabolique, gagné par l’ennemi fraternel, devenant haut dignitaire palladiste, succédant à A. Pike évinçant A. Lemmi, et, qui sait, protégé au point de prendre sa nature humaine, devenant un des démons subalternes de Lucifer.
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