Source : Sabbataï Tsevi, le messie mystique, 1626-1676, par Gershom Scholem, éditions Verdier, collection Poche, relecture 2010-2024, un livre essentiel.
Sabbataï Raphaël prétendait avoir été
témoin non seulement de l’extase prophétique de Nathan à Gaza, le jour de
Chavouot en 1665, mais aussi des actions ultérieures du prophète et du messie
en Terre Sainte. Il quitta ensuite la Palestine avec un « compagnon »
que plusieurs auteurs ont identifié à tort comme étant Mattathias Bloch
Ashkénazi, qui était deux fois plus âgé que lui. Tous deux prêchaient
l’évangile sabbataïste et, selon Sasportas, il se considérait non seulement
comme un prédicateur mais aussi comme un prophète.
Rien n’indique qu’il soit passé par l’Égypte,
où Mattathias Bloch exerçait alors ses activités, et il est plus vraisemblable
qu’il ait fait route directement vers l’Italie, probablement au cours de l’été
1666. À Rome, il n’eut aucun succès, mais il se dédommagea plus tard de cet
échec en se vantant à Amsterdam d’avoir parlé au Pape Alexandre VII et
prophétisé sa mort « qui allait survenir d’ici quelques jours. » De
Rome, il voyagea vers Venise où il resta un laps de temps que nous ignorons. Il
se trouvait à Venise lorsqu’arriva la confondante nouvelle de l’apostasie de
Sabbataï Tsevi.
À Venise, Sabbataï Raphaël publia une
ancienne collection de textes et de formules magico-kabbalistiques à laquelle
il donna pour titre Mystères et sources de la Sagesse. Dans son introduction à
cet opuscule, il ne prétend pas faire œuvre originale. En fait, ses prétentions
sont d’un tout autre ordre : il avait essayé des formules kabbalistiques
contenues dans l’ouvrage qu’il publiait, en résultat de quoi le prophète Élie
lui était apparu. « Et voici comme il m’est apparu : il avait un
grand œil à droite et deux plus petits à gauche. » Sabbataï Raphael semble
avoir répété ce récit de l’apparition d’Elie partout où il s’est rendu. À
Amsterdam, il confirma une fois de plus cette version, ajoutant qu’Elie était
venu à lui alors qu’il était en état de veille ; autrement dit, pas
simplement en rêve, dans une synagogue de Jérusalem.
Quand on lui demanda de quelle manière il connaissait le nom de l’apparition, il expliqua qu’Elie s’était lui-même présenté par son nom. Ce petit livre nous montre que Sabbataï Raphaël était un typique Ba’al Chem itinérant, un « Maître des Noms Divins » mystico-magiques, par la vertu desquels il avait la faculté de guérir les malades. Dans l’introduction, il précise « J’ai résolu de l’imprimer afin qu’il m’assiste auprès de ceux qui aspirent à la guérison » autrement dit comme un vade mecum du magicien guérisseur ambulant. Sabbataï Raphael semble avoir été le premier de la longue série des Ba’aley Chem sabbataïstes qui parcoururent l’Europe de long en large, combinant la « kabbale pratique » avec la propagande sabbataïste.
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