J’avais laissé à Crowley un billet chaleureux, en même
temps qu’un exemplaire, je crois, d’un de mes ouvrages les plus récents. Deux
livres moins récents lui avaient été dédicacés.
Quelque temps plus tard, je reçus une réponse de sa
part. Elle était rédigée à la fois sur le ton de la plaisanterie et de la
réprimande, et comportait des insultes antisémites liées au fait que j’avais
pris pour nom Francis ; il me donnait facétieusement du
« Frank. » J’ai bien peur de ne pas avoir eu une réaction des plus
modérées : il eût été bien plus sage d’accepter son blâme et de laisser
cette affaire retomber dans l’oubli, sa meilleure place. Ses insultes avaient
touché un point sensible : un de mes pires défauts était à cette époque
d’être très sensible aux critiques, justifiées ou non….
Il me faudrait ici rappeler au lecteur que le nom de
baptême de Crowley était Edward Alexander. À la fin de l’adolescence ou de
l’âge adulte, après avoir lu Shelley, qu’il adora par la suite, il rejeta les
noms chrétiens pour des raisons qui n’ont rien de légales, optant pour le nom
d’Aleister dans les usages quotidiens. Lorsque je l’appris, je m’adressai à lui
par un diminutif volontairement risible, pour le froisser dans son être
profond, ce à quoi je parvins, selon toute évidence.
« Alice, chérie… Vraiment, tu n’es qu’une
méprisable chienne. »
Israël Regardie : L’Œil dans le triangle
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