Ill. : Salomé par Franz von Stuck. Source : L’Ésotérisme comme principe et comme voie par Frithjof Schuon, éditions Dervy, collection L’Être et l’Esprit
Le voile peut être épais ou
transparent, unique ou multiple ; il voile ou dévoile, violemment ou
doucement, subitement ou progressivement ; il inclut ou il exclut, et il
sépare ainsi deux régions, une intérieure et une extérieure. Tous ces modes se
manifestent dans le microcosme, ou dans la vie spirituelle, aussi bien que dans
les cycles cosmiques.
Le voile impénétrable soustrait au
regard quelque chose de trop sacré ou de trop intime ; le voile d’Isis
suggère les deux rapports puisque le corps de la Déesse coïncide avec le
Saint-des-Saints. Le « sacré » se réfère à l’aspect divin Jalaî, à la
« Majesté » ; l’intime de son côté se réfère au Jamâl, à la
Beauté ; Majesté aveuglante et Beauté enivrante. Le Voile transparent, au
contraire, livre et le sacré et l’intime, tel un sanctuaire qui ouvre sa porte
ou telle une fiancée qui se donne ou tel un fiancé qui accueille et prend
possession.
Quand le Voile est épais, il cache la
Divinité : il est fait des formes qui constituent le monde, mais ce sont
aussi les passions dans l’âme ; le Voile épais est tissé de phénomènes
sensoriels autour de nous et de phénomènes passionnels en nous-mêmes : et
notons qu’une erreur est un élément passionnel dans la mesure où elle est
importante, et où l’homme s’y attache. L’épaisseur du Voile est à la fois
objective et subjective, dans le monde et dans l’âme : elle est subjective
dans le monde dans la mesure où notre esprit ne pénètre pas l’essence des
formes, et elle est objective dans l’âme en ce sens que les passions ou les
pensées sont des phénomènes.
Quand le Voile est transparent, il
révèle la Divinité : il est fait des formes en tant qu’elles communiquent
leurs contenus spirituels, que nous les comprenions ou non ; d’une façon
analogue, les vertus laissent transparaître les Qualités divines, tandis que
les vices indiquent leur absence, ou, ce qui revient au même, leur contraire.
La transparence du Voile est à la fois objective et subjective, ce que l’on
comprendra sans peine après ce que nous venons de dire ; car, si d’une
part, les formes sont transparentes, non sous le rapport de leur existence,
mais sous celui de leurs messages, d’autre part, c’est notre esprit qui les
rend transparentes par sa pénétration.
La transcendance épaissit le Voile ; l’immanence, elle, le rend transparent, soit dans le monde objectif, soit en nous-mêmes, du fait de notre prise de conscience de l’Essence sous-jacente, bien que, sous un tout autre rapport, la compréhension de la transcendance soit un phénomène de transparence, tandis qu’au contraire, la jouissance brute de ce qui nous est offert en vertu de l’immanence, est de toute évidence un phénomène d’épaississement.
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