Oz

 

Source : Sabbataï Tsevi, le messie mystique, 1626-1676, par Gershom Scholem, éditions Verdier, collection Poche, relecture 2010-2024, un livre essentiel.

Sabbataï demeura emprisonné à Constantinople pendant plus de deux mois. Le vizir Ahmed Köprülü était occupé à préparer son armée et sa flotte pour l’expédition de Crête et la reconquête de l’île sur les Vénitiens. Il désirait empêcher une plus grande agitation parmi les Juifs et ordonna à cette fin que Sabbataï soit transporté dans la forteresse de Gallipoli, du côté européen du Détroit des Dardanelles.

L’ordre fut exécuté le 19 avril 1666, le jour précédant la fête de Pâques. « En approchant de la forteresse comme c’était la veille de Pâques, il sacrifia un agneau pascal et le rôtit avec sa graisse. » Il en fit manger à son entourage ainsi qu’à quelques-uns des Juifs vivant dans la forteresse et ils croyaient que ses agissements étaient motivés par la parole de Dieu » (Sasportas) Il fut rapporté à R. Moïse b Habib que la consommation de graisse interdite lors de ce sacrifice pascal illégal fut accompagnée, comme en de précédentes occasions, de la récitation de la bénédiction « Béni sois-Tu ô Dieu qui permets ce qui est interdit. »

L’étrange penchant de Sabbataï pour les rituels bizarres se réaffirmait au moment de son éloignement de la capitale ; les rabbins qui accompagnaient le prisonnier en lui rendant des honneurs royaux acceptèrent avec humilité le sens mystique de ce tikkoun kabbalistique. Les sources s’accordent généralement sur le fait que le prisonnier fut transféré sur l’ordre du vizir ; cela n’exclut pas une intervention des dirigeants juifs qui souhaitaient voir s’éloigner Sabbataï de la capitale pour une raison ou l’autre. La forteresse d’Abydos était utilisée comme prison pour les prisonniers politiques importants. Usant de corruption, les sabbataïstes réussirent rapidement à transformer la détention de Sabbataï en un « confinement honorable » et sa prison fut bientôt connue sous le nom de Midgal Oz, la « Tour fortifiée », en référence manifeste à Proverbes 18, 10 : « Le Nom du Seigneur est une tour fortifiée : le juste s’y réfugie hors d’atteinte. »

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