On ira tous sur Sirius

 

Source : Sabbataï Tsevi, le messie mystique, 1626-1676, par Gershom Scholem, éditions Verdier, collection Poche, relecture 2010-2024, un livre essentiel.

Le Manuel des Dévotions de Nathan de Gaza, « les prières d’invention récente », était utilisé dans toute la Pologne et toute la Russie. Les Juifs avaient l’espoir d’être transportés sur les nuées du ciel. Le motif apparaît dans une source midrachique, « Pesiqta Rabbati », où il tient lieu d’explication pour la façon dont toute chair viendra rendre le culte au Temple de Jérusalem, « d’une nouvelle lune à l’autre et d’un sabbat à l’autre » (Isa 66,23) La réponse du Midrach, inspirée d’Isaïe 60,8, « Qui sont ceux-là qui volent comme des nuées ? », était désormais appliquée au problème du transport du peuple d’Israël jusqu’en Terre Sainte.

La croyance était répandue, non seulement en Russie et en Pologne, mais aussi en Allemagne, et en Turquie. Un Juif allemand qui, plus tard, se convertit, relate : « Ma mère a souvent dit qu’enceinte, à l’époque elle se demandait avec inquiétude comment elle partirait, à quoi mon père et mon grand-père répondaient : sois sans crainte, ma vie. Dieu enverra un nuage sur lequel toutes les femmes enceintes seront emmenées à Jérusalem. »

Dans une veine similaire, Maltios, l’évêque orthodoxe d’Athènes, mentionne dans son récit du mouvement messianique que les Juifs de Grèce avaient coutume de regarder les nuages et d’annoncer que ce seraient des nuages semblables qui les emporteraient à Jérusalem. Un Juif d’Atra voulut même, une nuit, s’élever jusqu’aux nuages, mais il tomba du toit et mourut.

Les enthousiastes sabbataïstes n’étaient pas les premiers à croire en la possibilité d’un voyage miraculeux jusqu’en Terre Sainte sur les nuées du ciel : une relation du mouvement messianique de Bagdad dans la première moitié du douzième siècle, écrite en arabe par un juif apostat, fait état de lettres qui annonçaient qu’une nuit, tous les Juifs s’envoleraient vers Jérusalem, « et les Juifs de Bagdad, qui tirent vanité de leur intelligence et de leur rationalisme y donnèrent foi… ils distribuèrent une grande partie de leurs biens en œuvres charitables, préparèrent des vêtements de couleur verte, et s’assemblèrent à la nuit fixée sur les toits de leurs maisons où ils attendirent les anges qui les transporteraient sur leurs ailes jusqu’à Jérusalem.

Longtemps, les Juifs de Bagdad mentionnèrent cette année comme l’année de l’envol. » Le même motif était déjà apparu lors d’un mouvement messianique plus ancien, dont l’instigateur fut un certain Serenus. Les références fragmentaires à ce mouvement, qui se produisit en Orient, au début du huitième siècle, indiquent que les Juifs s’attendaient à gagner Jérusalem par la voie des airs.

Commentaires