Ira Melanox

 

Source : Léon Bloy ou la fureur du juste par François Angelier, éditions Points, collection Sagesse

Cette apparition atypique d’une vierge éplorée, vigie tout en alerte porteuse d’un message menaçant se double d’une autre dimension problématique : la personnalité des voyants.

Alors que la tradition veut que, après la transmission d’un message ou la délivrance de leur message, ils s’effacent ou entrent en religion, si cela n’est déjà fait, les voyants de La Salette, sans cesse sollicités par tout un milieu dévot à forte tonalité traditionaliste, s’autonomisent et échappe à la férule ecclésiale. Mélanie, notamment, entame un parcours spirituel hautement romanesque. La vingtaine venue, la bergerette dauphinoise est reçue, sous le nom Marie de la Croix, chez les Sœurs de la Providence de Grenoble, où elle n’est plus autorisée à prononcer ses vœux. Prophétesse girovague, on la voit ensuite, ne cessant de correspondre et d’animer un réseau clérical et laïque, migrer du Carmel de Darlington en Angleterre aux diocèses de l’Italie du Sud, puis de nouveau en France, où elle est hébergée par l’abbé Combes, de Diou, dans l’Allier. Elle meurt à Altmura, dans les Pouilles, âgée de soixante-treize ans, le 15 décembre 1904.

Mélanie doit largement son statut de prophétesse au secret que la Vierge en pleurs lui a transmis, en sus du message publique communiqué à Maximin comme à elle-même. Secret dont le texte amplifie encore, sur le mode millénariste et apocalyptique, les mises en garde de septembre 1846 : condamnation des prêtres, des « cloaques d’impureté », oublieux de leur vocation et de leurs devoirs, « Il n’y a plus personne digne d’offrir la Victime sans tâche à l’Éternel en faveur du monde », et fin du monde en technicolor : Paris en feu, Marseille engloutie, lune rougeâtre baignant de sa lumière glauque une terre livrée à la guerre, à la famine et à la peste. Publié avec l’approbation de l’évêque de Lecce en 1879, interdit de discussion à la veille de la Première Guerre mondiale, le Secret, mis à l’index en 1923, nourrit tout un catholicisme radical et intransigeant.

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