Source : Léon Bloy ou la fureur du juste par François Angelier, éditions Points, collection Sagesse
Bloy a un but : mettre une couronne d’épines au
dictionnaire, se saisir de la langue pour l’endolorir, non pour l’encanailler.
Il y a chez lui une volonté de mettre en crise les usages sociaux de la langue.
Pas ou peu d’argot, rien du racolage voyou et du déhanché « anar »,
mais une recrudescence de subjonctifs plus-que-parfaits et imparfaits, de mots
rares, d’adjectifs abrasifs et de latinismes singuliers. Son écriture n’est pas
un geyser, une écriture giclée, éruptive, sorte de brillante expansion
littéraire d’une psyché volcanique et incendiaire, une crise graphique.
C’est une écriture d’artilleur délicat, ou de sniper
amoureux, assemblée, construite, profondément composée, où tout, adjectifs,
métaphores, lexique, a été pesé, la hausse méticuleusement réglée. Salis avait
bien vu la chose en qualifiant Bloy de « catapulte inextinguible »
car ce dernier fonctionne selon le principe d’une véritable balistique
littéraire, un arsenal où s’alignent les catapultages de métaphores assassines,
les mangonneaux et les couillards des plus charogneuses insultes, démonstration
que parachève l’action brusque de formules en bélier, qui laissent béantes les
défenses adverses.
S’y cumulent, montées au créneau ou assauts en piqué, vision cosmiques et immersions dans la fosse, fond d’or et eaux de vidange. Bloy retrouva chez le premier Huysmans la même esthétique barbare et raffinée, Huysmans dont les phrases semblent, à l’image des siennes, des « plantes monstrueuses aux exfoliations inattendues, aux inconcevables floraisons, ayant une matière de vie organique, quasi animal, des attitudes obscènes ou des couleurs menaçantes. Son expression toujours armée et jetant le défi, ne supporte jamais de contrainte, pas même celle de sa mère l’image qu’elle outrage à la moindre velléité de tyrannie et qu’elle traîne par les cheveux ou par les pieds, dans l’escalier vermoulu de la Syntaxe épouvantée. »
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