The Outsider

 

Source : Deleuze par Jean-Clet Martin, éditions de l’Éclat, collection Ceci n’est pas un livre, relecture en cours.

Alors que tout nous donnait le sentiment qu’il n’existait qu’un chemin pour nouer l’intrigue et relier le point A au point B, nous découvrons le détour par des cabarets ou des impasses qui nous en éloignent. Mais, parfois, une ouverture nous fournit un nouveau chemin qui n’était pas visible, que nous ressentions seulement de façon visuelle.

Dans ce labyrinthe, nous sommes obligés de suivre des couloirs et des détours, en devinant qu’il doit y avoir un passage quelque part pour réduire la distance, joindre l’entrée et la sortie (la première, comme dans une foire, est souvent très proche de la seconde, mais sans que nous puissions l’apercevoir. Par deux points passe donc une multiplicité de chemins. Est-il possible de trouver le plus court ? Il doit y avoir un stratagème quelque part, un cas poreux, une espèce de corde. Le drame surgit au moment précis où la pensée se trouve devant ce cas épuisant, devant une ouverture de ce genre, apparemment impraticable, extra ontologique, tout en nous invitant à nous y aventurer, à visualiser les chemins possibles.

Comme si toute vie n’était qu’une multiplication, un angle. Et c’est bien ce qui advient dans la nouvelle de Lovecraft, L’Abîme du temps : un même personnage retrouve un grimoire d’un autre temps, distant de millions d’années. Il comprend soudain qu’il a lui-même écrit ce livre dans une durée révolue, dans une langue antédiluvienne qu’il reconnaît à peine, éprouvant ainsi sur le plan du rêve la relativité du temps formulée par Einstein.

Le drame survient quand nous nous découvrons dans un univers parallèle : comme Wakefield, nous hésitons à franchir le pas, tout en étant attiré vers ce dehors, ce hors-là. Au lieu de longer les méandres de l’espace qui séparent les points, on peut rêver à un passage secret, mais dont la fente ouvre à des temps multiples, à des chemins concurrents qui rapprochent des durées incommensurables.

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