Source : Voir l’invisible, histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930) par Fleur Hopkins-Loféron, éditions Champ Vallon, collection Détours, recommandé par Neûre aguèce
« Les habitants de la planète
Mars nous font-ils des signaux ? Question angoissante qui se pose à nous
périodiquement et ne semble pas près d’être résolue » écrit Jean Lecoq,
dans « Mars et les Martiens », in. Petit Journal illustré
(1921) Le thème de la signalisation interplanétaire empruntée au vulgarisateur
en astronautique Alexandre Ananoff, dérive des spéculations sur la
« télépathie interstellaire », autant que des progrès et maladresses
des nouveaux outils de télécommunication et de la passion des savants et du
public pour Mars, alimentée par les débats constants sur l’existence de canaux
et donc d’une vie extraterrestre à la surface.
L’imaginaire de la communication
interplanétaire évolue en effet corrélativement aux innovations technologiques
et le thème revient régulièrement dans la presse de l’époque. Il est développé
sous la forme de petites vignettes comiques montrant d’un côté la facilité à
communiquer avec Mars et, de l’autre, les difficultés à établir la moindre
communication entre Terriens du fait d’un réseau téléphonique dysfonctionnel.
Il apparaît aussi sous la forme d’entretiens exclusifs avec un Martien qui
répond qu’il envoyait un message pour une planète voisine et non la Terre, ou
s’exprime dans une langue inconnue.
Plusieurs récits
merveilleux-scientifiques développent le thème de la réception accidentelle d’un
message martien, de l’envoi d’un message vers une planète extraterrestre. Il
convient d’abord de se concentrer sur les moyens imaginés par les Terriens pour
envoyer un message interplanétaire, ainsi que les cas des savants les plus
médiatisés, qui ont affirmé avoir reçu des signaux divers de la Planète Mars.
« Un peu comme les apparitions du serpent de mer, les signaux avec les
planètes reviennent à la mode à intervalles réguliers » écrit La France
de Bordeaux et du Sud-Ouest (1934)
En décembre 1900, l’écrivain Jules
Claretie et d’autres rapportent une nouvelle fascinante : l’astronome
Douglas a observé des signaux lumineux martiens, placés en ligne droite, au
niveau de la mer d’Icarie, qui ont brillé pendant soixante-dix minutes.
S’agit-il d’une tentative martienne de télégraphie optique ou seulement des
reflets du soleil sur des monts enneigés ? Peu de temps après, en janvier
1901, l’inventeur Nikola Tesla déclare à la presse française avoir capté une
« communication électrique venant de Mars à l’aide d’instruments
radioconducteurs » et rêve d’utiliser l’énergie motrice des chutes du
Niagara pour alimenter son projet de communication.
En janvier 1920, la presse rapporte
que Marconi aurait reçu des trains d’ondes réguliers à l’aide de ses appareils
radioélectriques de réception, qui laissent à penser à l’envoi d’un message
extraterrestre. Même si l’inventeur nuance l’information, en précisant qu’il
peut s’agit d’éruption solaires, ou de perturbations électromagnétiques à la
surface d’une autre planète, elle se répand comme une traînée de poudre. En
août 1924, encore, les sans-filistes d’Amérique et d’ailleurs reçoivent un
message contenant le drôle de mot « Jopp », « Zopp », ou
« Zipp », pris très au sérieux par certains, ou considéré comme une
onde parasite par d’autres.
« Jopp signifierait-il simplement bonjour ? Mais les Martiens connaissent-ils l’usage du bonjour, de ce salut que nous nous adressons mécaniquement en pensant à autre chose » se demande Miguel Zermacoïs dans Les Annales politiques et littéraires, le 5 octobre 1924.
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