Source : Voir l’invisible, histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930) par Fleur Hopkins-Loféron, éditions Champ Vallon, collection Détours, recommandé par Neûre aguèce
Manuel Orazi (1860-1934), célèbre pour
avoir été décorateur pour le film L’Atlantide (1921) de Jacques Feyder,
propose de nombreuses illustrations de ces visions venues d’ailleurs. Celles
qui représentent les scènes du passé, historiques ou personnelles, jouent sur
la nature spectrale de la réminiscence puisque Orazi se sert d’un dessein au
trait et d’un travail de remplissage, pour montrer que l’apparition est en
train de se faire devant les yeux ébahis des témoins.
Plus encore, Vénus envoie des scènes
locales, parfois en diptyques avec des scènes terriennes, pour exprimer leurs
similitudes en matière de religion, de sentiment amoureux ou de rage
criminelle. Parmi celles-ci, l’illustration Les Formes montrent une vue
vénusienne, dont le narrateur peine à décrire l’apparence, sinon en utilisant
un vocabulaire formel et en partageant avec le lecteur ses impressions de
délire devant ces formes vues, mais non reconnues, sidération propre aux
abominations et horreurs cosmiques d’un H.P. Lovecraft.
La confusion des spectateurs est
signifiée par la foule de dos, réduite aux nombreux chapeaux et mains levées,
métonymies de la grimace d’horreur qui se dessine sur les visages. Assurément
la sociologie des foules de Gabriel Tarde, d’Henry Fournial, de Scipio Sighele
et plus spécifiquement de Gustave Le bon a circulé au sein de l’imaginaire
merveilleux-scientifique. Chaque fois que les illustrateurs représentent une
foule, comme masse compacte, c’est pour suggérer un délitement possible des
liens, sous le choc d’un événement qui dépasse l’entendement et qui
provoquerait une panique collective, entraînant une fuite individuelle.
La perturbation prend des formes multiples comme celle d’une catastrophe cosmique ; une illustration de Marcel Lecoultre pour La Force mystérieuse de Rosny-aîné, publiée en 1913 dans Je sais tout, montre la foule criminelle prise par un accès de folie destructrice ; d’une invasion extraterrestre, la couverture d’Une invasion de Sélénites par Léon Groc, dessinée par Maurice Toussaint en 1941 donne à voir l’obélisque de la Concorde, projetée contre l’Assemblée nationale ; ou d’un rayon destructeur, la couverture du Rayon infernal de Félix Celval par B.T. en 1935 montre des ouvriers fuyant de toutes parts, certains tombés à terre, alors que des rayons rouges et verts détruisent l’usine en contrebas.
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