« Le Mort qui parle »

 

Source : Voir l’invisible, histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930) par Fleur Hopkins-Loféron, éditions Champ Vallon, collection Détours, recommandé par Neûre aguèce

L’optogramme prend la forme d’un enregistrement du passé, d’un document à même de lever le mystère sur les derniers instants d’une victime. Préalablement à son déploiement dans la littérature et l’imaginaire populaires, le thème de l’inscription par un coup de foudre ou par « photographie électrique » est étudié par Louis-Figuier, Gaston Tissandier ou encore Camille Flammarion dans plusieurs articles de vulgarisation scientifique. 

La folkloriste Barbara Allen (1983) s’est intéressée à la croyance qui voudrait qu’une personne morte pendant un orage présente sa silhouette parfaitement imprimée sur le verre qui se trouve près d’elle. Un imaginaire particulièrement vivace entre 1870 et 1890. Elle le replace dans le contexte plus large de ce qu’elle a nommé « l’image sur du verre », c’est-à-dire l’inscription volontaire d’une figure humaine, lors d’un événement traumatique. Elle met en évidence le développement de ce thème, parallèlement au mouvement spirite, et à la découverte de la photographie : la vitre se fait plaque photographique, l’éclair remplace le flash du magnésium.

Le thème est aussi développé en littérature. Dans « Le Mort qui parle » (1906), Henrillaud imagine que la victime d’un meurtre est frappée par la foudre, juste après avoir expiré. La « photographie électrique » laisse sur sa peau l’empreinte d’une feuille d’acacia. Le dessin se précise au fil des pages, à mesure que la décomposition du cadavre avance, et les médecins découvrent avec horreur la face de l’assassin, imprimée sur le flanc de la victime : « L’horrible carcasse se complétait, se garnissait pour ainsi dire de chair et de peau, et soudain, le prodige éclata, flamboya. Sur le cœur du comte,  une tête photographiée venait d’apparaître : celle de l’Italien. » 

L’inscription sert de preuve incontestable aux enquêteurs qui savent qu’ils vont découvrir la silhouette du meurtrier, objectivité photographique qui sera mise à mal dans les récits mettant en scène des optogrammes.

[Villiers de l'Isle-Adam recourt au motif de l'optogramme dans Claire Lenoir]

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