Source : Voir l’invisible, histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930) par Fleur Hopkins-Loféron, éditions Champ Vallon, collection Détours, recommandé par Neûre aguèce
Dans les baraques de forains, le tour d’escamotage
partiel du « décapité parlant », de la « tête en boîte » et
plus rarement du « Sphinx » utilise des illusions d’optique reposant
sur la catoptrique.
Développé par Pepper et Tobin, racheté par Jules
Tarlich en 1866, puis par Adrien Delille, le décapité parlant, jouit d’une
importante célébrité jusqu’au début du vingtième siècle. Il consiste en une
tête décapitée, s’agitant, grimaçant, répondant aux questions des visiteurs ou
faisant parfois office d’oracle. Le tour est régulièrement exposé dans les
revues de vulgarisation, aux rubriques de « science amusante » ou de
« récréation scientifique » comme celle de Tom Tit.
L’explication se présente sous la forme d’une image
double, sorte d’avant-après qui donne à voir la mystification voisine de son
dévoilement. Ici, une chronolithographie Liebig, tirée de la série « La
Magie divulguée » révèle le tour du « truc à glaces » :
la tête est glissée dans l’ouverture d’une table à trois pieds, contre laquelle
sont disposés deux miroirs orientés à quarante-cinq degrés, dans le but de
refléter la salle environnante et d’ainsi dissimuler le corps de l’acteur.
Comme la souligné Sofie Lachapelle (2015) les
spectacles de magie moderne de la fin du dix-neuvième siècle entretiennent un
rapport complexe avec la vulgarisation scientifique et le processus de
rationalisation du surnaturel puisqu’il n’est pas rare que l’un de ces
magiciens se grime en savant, utilisant les plus récentes technologies, comme
la cinématographie ou l’électricité : « Dans un monde de plus en plus
industrialisé, les prestidigitateurs modernes étaient autant inspirés par les
affirmations surnaturelles des représentants du magnétisme animal, des spirites
et des occultistes de l’époque que par celles des scientifiques
contemporains »
Les récits merveilleux-scientifiques s’emparent de ce riche héritage : têtes démultipliées, décapités parlants, coupeurs de têtes. Ils se débarrassent chaque fois des artifices illusionnistes pour supposer que c’est la science qui parvient, pleinement cette fois, à préserver une tête sectionnée, à l’aide d’un procédé extracorporel, parfois fantaisiste.
Commentaires
Enregistrer un commentaire