Source : Gogol et le Diable par Dimitri Merejkowski, traduit du russe par Constantin Andronikoff, éditions Gallimard, relecture mars 2007-décembre 2023.
L’essence du christianisme n’est pas la lumière, mais
les ténèbres : « La lumière est loin des vérités célestes du
christianisme. Elles s’en effraient comme d’un sombre monastère. » Et la
fin dernière de « ces vérités célestes » est de transformer le monde
en un « sombre monastère. »
Le christianisme, c’est comme la voûte d’un caveau,
comme un ciel noir, non terrestre, un ciel terreux au-dessus d’une terre noire
et morte ; le christianisme, ce n’est pas l’éclaircissement universel,
mais l’universel obscurcissement. Non la lumière dans les ténèbres, mais les
ténèbres dans la lumière du monde. Et dans l’abîme sans fond de ces ténèbres
s’agitent de gigantesques épouvantes : « Dans la profondeur insondable,
des cadavres rongent un cadavre. » « L’un d’eux, plus grand que tous
les autres, voulait s’élever de terre, mais ne le pouvait pas, il n’en avait
pas la force, si énorme était sa stature surgie de la terre. » (Une
terrible vengeance) Gogol lui-même comprenait-il qui était cet « énorme
cadavre, grandissant dans la terre » qui veut et ne peut ressusciter,
« vaincre la mort par la mort » ?
La blancheur des nouveaux habits de noces promis dans l’Apocalypse, la blancheur de la résurrection où se fondent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, est de nouveau remplacée par la noirceur de vieux habits sans noce, par le noir monacal de la tombe, où toutes les couleurs de l’arc-en-ciel de la vie s’abolissent. « Le christianisme n’a pas réussi » Le fiancé n’est pas venu. Soufflez les flambeaux. Il s’est trouvé que le christianisme n’était pas le feu qu’aucune eau ne peut éteindre, mais… une eau qui éteint toute flamme. Les flambeaux sont éteints. Le fiancé n’est pas venu.
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