Endzeitgenosse

Kraus ne se tient pas au seuil d’une ère nouvelle, écrit Adolf Loos, il se tient au seuil du Jugement dernier. De même que les saints écrasés contre le cadre des somptueux tableaux baroques décorant les autels tendent leurs mains en un geste de défense contre le vertigineux raccourci que la perspective impose aux membres des anges, des bienheureux et des damnés devant eux, de même Kraus voit-il dans un élément d’une seule nouvelle locale, d’une seule phrase, d’une seule annonce, toute l’histoire universelle fondant sur lui. Tel est l’héritage qui lui fut transmis par le sermon d’Abraham a Santa Clara (1644-1709) De là cette familiarité qui fait volte-face, cette rapidité de la répartie qui n’a rien de contemplatif, et ce mélange de réactions qui permet à sa volonté d’expression purement théorique et à son savoir l’expression pratique. Il ne se tient pas au seuil d’une ère nouvelle. S’il lui arrive de tourner le dos à la création, s’il interrompt ses lamentations, ce n’est que pour porter ses accusations devant le Jugement dernier.

Walter Benjamin : Karl Kraus

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