Source : Voir l’invisible, histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930) par Fleur Hopkins-Loféron, éditions Champ Vallon, collection Détours, recommandé par Neûre aguèce
Dans l’imaginaire
merveilleux-scientifique, les images du passé affleurent sous la forme de
manifestations floues, aléatoires et mouvantes, en s’affichant directement au
sein d’un brouillard, d’un nuage ou d’un composant calcaire…
Dans Le Maître de la lumière,
la « luminite » ressemble à du bois sombre ou à une plaque d’ardoise,
trouvée sur une île sous la forme d’un bloc considéré comma magique par les
autochtones, « la pierre qui se souvient » Dans Le Brouillard du
26 octobre (1912), c’est un brouillard qui permet aux promeneurs de
percevoir les ancêtres ailés de l’espèce humaine. Il n’est pas possible de
savoir si Renard a eu vent du récit An Adventure, publié en 1911 par
deux Anglaises qui prétendent avoir eu une expérience de
« rétrovision » dans les jardins de Versailles en 1901.
Sa nouvelle comporte cependant de
troublantes similitudes. Une nappe épaisse de brouillard, en un certain lieu,
donne à voir une scène du passé, un paysage préhistorique au sein duquel deux
promeneurs surprennent un chaînon manquant de l’homme, le
« ptéropithécanthrope. » Dans un premier temps, les promeneurs
pensent être les jouets d’un leurre, un mirage superposé à leur monde
contemporain. Quand ils font l’effroyable rencontre avec le monstre ailé, et
qu’ils peuvent interagir avec lui, ils comprennent avoir pénétré dans une
faille temporelle.
Preuve ultime, ils retrouvent, à leur
époque, la montre d’un des personnages, enclose dans la main serrée d’un des
êtres monstrueux, abattu d’une balle. L’auteur qualifie le phénomène de « mirage
intégral dans le temps » puisque les personnages sont plongés dans une
projection venue du tréfonds des âges. La description très précise, s’apparente
à une projection, « les choses semblaient se crayonner, en grisaille, puis
se sculpter à même la substance volage » ; comme une projection sur
l’écran lorsqu’on « met au point » et que « l’éclairage
papillote. »
Cet imaginaire est directement lié aux
théories métapsychiques de la « télesthésie-rétro-cognitive » de
Frederic W.H. Myers ou plus simplement « psychométrie », notamment
décrites dans Les Maisons hantées (1923) de Camille Flammarion, qui veut
que les événements s’enregistrent dans des objets matériels ou sur les murs.
Une personne sensitive, en posant l’objet contre son front, ou par imposition
des mains, est capable de raconter l’histoire de l’artefact.
Preuve que le merveilleux scientifique
développe des solutions scientifiques aux problèmes métapsychiques, Marcel
Roland, imagine à son tour dans le conte « Sur le mur » (1913)
que le physicien René Chadal parvient à projeter sur le mur une image du passé,
à l’aide d’une machine de son invention qui utilise comme révélateur un corps
chimique inconnu.
Le scientifique soutient en effet que nos moindres faits et gestes forment « une copie reproduite sur les objets voisins : pierres, étoffes, murs. » Le médium spirite humain, qui servait d’intermédiaire entre le monde des esprits ou les traces du temps passé, est supprimé au profit d’un nouveau média.
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