Source : Gogol et le Diable par Dimitri Merejkowski, traduit du russe par Constantin Andronikoff, éditions Gallimard, relecture en cours.
« Quelle est la couleur à la mode pour la
jaquette ? J’ai très envie de m’en faire une bleue avec des boutons de
métal. » La meilleure jaquette de Tchitchikov, « couleur flamme de
Navarin avec fumée », n’est-elle pas la parente de cette jaquette bleue
des jeunes rêves de Gogol ?
À la sortie du lycée, Gogol est le premier de tous ses
camarades, à s’habiller d’une façon originale. « Je le revois encore,
raconte un témoin, en jaquette marron clair, doublée d’une certaine étoffe
rouge à grands carreaux. Une telle doublure était considérée alors comme le nec
plus ultra du dandysme, et Gogol, dans ses allées et venues au collège,
entrouvrait constamment à deux mains les basques de son habit pour en faire
voir la doublure. »
Chez Gogol, même dans ce détail, dans cette inaptitude
à s’habiller, se manifeste le trait fondamental de sa personnalité : la
disharmonie, la contradiction. Son élégance est de mauvais goût. « Ses
vêtements, relate le témoin, révélaient un contraste frappant entre l’élégance
et la négligence. » Pendant l’hiver 1830, il apprit quelle était la
couleur à la mode des habits et des cravates, mais il en était arrivé au point
« de ne plus avoir de linge », comme il l’avoue lui-même. Une année,
bien qu’il fût extrêmement frileux, « il garda son manteau d’été »
pendant tout l’hiver.
On dirait que ces détails sont pris dans la biographie de Khletsakov, mais qui sait ? Une de ses œuvres les plus profondes, Le Manteau, ou La Pelisse, ne lui fut-elle pas précisément inspirée par ce manteau du Khletsakov, doublé de vent ?
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