J’en arrive maintenant, mon vieux, à la plus éminente
de mes propositions : imagine l’ordre. Ou plutôt, imagine d’abord une
grande idée, puis une plus grande, puis une plus grande encore et ainsi de suite ;
et sur ce modèle, imagine toujours plus d’ordre dans ta tête ! D’abord,
c’est aussi plaisant qu’une chambre de vieille demoiselle, aussi net qu’une
écurie militaire, puis grandiose comme une brigade en formation de
bataille ; puis, enfin, tout à fait fou, comme quand on rentre du mess en
pleine nuit et qu’on commande aux étoiles : « Univers, attention, à
droite… droite ! » Ou encore, disons, l’ordre est d’abord comme quand
une recrue cafouille des guibolles et que tu l’aides à marcher droit, au pas,
ensuite, comme quand tu rêves que tu es nommé ministre de la guerre par-dessus
la tête de quelqu’un. Imagine-toi maintenant un ordre humain total, universel,
en un mot, l’ordre civil parfait : parole d’honneur ! C’est la mort
par le froid, la rigidité cadavérique, un paysage lunaire, une épidémie
géométrique. D’une manière ou d’une autre, l’ordre se transforme en désir de
tuer.
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