Il apparaît donc que la condition de
la persécution, entendue comme condition tendanciellement universelle, est une
chance pour la pensée, c’est-à-dire pour la reconnaissance de la vérité et de
sa transmission. Tout se passe comme si la pensée affirmait la persécution
comme sa meilleure condition ou comme si l’on pouvait se donner comme
impératif : « Écris et lis comme si tu étais persécuté. »
L’intériorisation de la persécution est la condition de l’exercice de la
patience de la pensée. Il y a là, dans le geste même du philosophe sage, une
prudence politique en même temps que l’aménagement d’une progressivité dans
l’acheminement du destinataire vers le vouloir et le pouvoir-connaître des
vérités. Avec son oblitération, il ne serait pas seulement question d’une
imprudence moderne par rapport au pouvoir politique lié au pouvoir du nombre,
mais bien d’un manque de compréhension du devenir philosophe.
Gérald Sfez : Leo Strauss, lecteur de Machiavel
Commentaires
Enregistrer un commentaire