En avril 1995, le cardinal
Jean-Marie-Aron Lustiger, à qui le grand rabbin de France Sirat avait
auparavant refusé de reconnaître sa qualité de juif, se rendait à l’université
de Tel-Aviv pour prendre part à un colloque sur l’Holocauste et pour célébrer
ensuite avec sa famille d’Israël la mémoire de leurs parents assassinés dans
les camps hitlériens. Lustiger fut accueilli par une déclaration des deux
grands rabbins ashkénaze et séfarade d’Israël dans laquelle ils affirmaient
qu’il n’était pas le bienvenu en Israël car il avait fait plus de mal au
peuple juif par sa conversion au Christ qu’Hitler avec la Shoah. La raison
de cette extrême sévérité réside dans le fait que, telle qu’elle a été comprise
dès le début par les autorités juives et dès la fin du premier siècle par les
chrétiens eux-mêmes, la foi en Jésus comme le baptême qui sanctionne efface la
distinction entre juifs et gentils, enlevant ainsi au peuple d’Israël et à la
loi de Moïse sa raison d’être dans le dessein de Dieu. C’est même la seule
croyance qui, si on la comprend à tort comme un accomplissement, dépassement,
remplacement de la religion d’Israël, peut opérer l’assimilation parfaite du
juif à la gentilité, même en l’absence de toute volonté consciemment antijuive
du côté chrétien.
Jean-Miguel Carrigues : L’impossible substitution
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