« Toute marche irrésistible vers un destin »

 

Voilà ce que je veux dire et je suis très prudent : on est tous frappés dans un musée par un certain nombre de tableaux qui peignent une catastrophe. Catastrophe de quel type ? Par exemple, quand la peinture découvre les montagnes : tableaux d’avalanche, tableaux de tempêtes, etc. Je remarque que ces peintures de catastrophes étendent tout le tableau, quelque chose qui est très souvent présent dans les tableaux. Ils généralisent une espèce de déséquilibre, de choses qui tombent, de chutes. Or, peindre, d’une certaine manière, ça a toujours été peindre des déséquilibres locaux. Une composition, c’est toujours un ensemble, une structure mais en train de se déséquilibrer, ou en train de se désagréger. On ne rient que ça pour le moment : le point de chute, un verre dont on dirait qu’il va se renverser, un rideau dont on dirait qu’il va retomber.

Gilles Deleuze : Sur la peinture, cours mai-juin 1981

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