Thermodynamique

 

Source : Robert Musil, l’homme probable, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’Histoire, par Jacques Bouveresse, éditions de l’Éclat, collection Tiré à part, relecture en cours 2013-2023.

Clausius formule le premier principe de la thermodynamique en disant que l’énergie de l’univers demeure constante et le deuxième en disant que l’entropie de l’univers tend vers un maximum. Ces formulations ont été contestées pour la raison que l’énergie et l’entropie de l’univers sont des quantités qu’il est impossible de définir avec précision.

Mais, comme le fait remarquer Planck, ce qui est vrai dans l’idée que les deux principes s’appliquent également à l’univers, pris comme un tout, c’est le fait que, plus le système considéré est étendu, plus les effets produits de l’extérieur sur lui deviennent comparativement négligeables et moins l’erreur que l’on commet en le traitant comme un système isolé est importante. Dans le cas du principe d’entropie, « si nous disons que l’entropie d’un système croît de façon complètement indépendante de tous les changements externes, une erreur sera, en général, commise, mais plus le système est englobant, plus l’erreur proportionnelle devient petite. »

Cela suffit pour donner une idée de l’étourderie que l’on commet lorsqu’on applique directement le deuxième principe à des systèmes de dimensions aussi réduites que le monde humain et soumis, comme il l’est, à des influences externes qui sont tout aussi négligeables. Incidemment, je pense que les théoriciens de l’ordre par fluctuation ont commis, de leur côté, l’erreur de prendre beaucoup plus au sérieux qu’elles ne le méritaient (et qu’elles ne l’ont été par des scientifiques respectables) et de dramatiser abusivement les menaces que la fatalité incarnée dans le principe d’accroissement constant de l’entropie était supposée faire peser sur les capacités de renouvellement et d’invention du monde humain…

Tout le problème provient, comme le fait remarquer Rudolf Arnheim, du fait que le principe d’entropie ne définit l’ordre que par l’improbabilité de l’arrangement qui existe entre les éléments et appelle désordre la dissolution de cet arrangement improbable, sans tenir compte de la structure, alors que, de notre côté, lorsque nous parlons habituellement d’ordre, nous avons en tête une propriété de structure. 

Toutes les fois que les forces antagonistes qui interagissent dans des conditions qui sont celles d’un champ parviennent à une situation d’équilibre, la réduction des tensions et la diminution de l’énergie utilisable correspondent à une augmentation de l’entropie, mais le résultat final est également un accroissement de l’ordre, au moins un certain sens du mot « ordre. »

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