Le Chat de Chester est le bon objet, le bon pénis,
l’idole ou la voix des hauteurs. Il incarne les disjonctions de cette nouvelle
position : indemne ou blessé, puisqu’il présente tantôt son corps tout
entier, tantôt sa tête décapitée ; présent ou absent, puisqu’il s’efface en
ne laissant que son sourire ou se forme à partir de ce sourire de bon objet.
Dans son essence, le chat est celui qui se retire, se détourne. Et la nouvelle
alternative ou la disjonction qu’il impose à Alice, conformément à cette
essence, apparaît deux fois : d’abord, être enfant ou cochon, comme dans
la cuisine de la duchesse ; ensuite, comme le loir endormi qui est entre
le lièvre et le chapelier, c’est-à-dire entre la bête des terriers et l’artisan
des têtes, ou bien prendre le parti des objets internes, ou bien s’identifier
au bon objet des hauteurs, bref, choisir entre la profondeur et la hauteur. La
troisième partie du roman change d’élément : ayant brièvement retrouvé le
premier lieu, Alice passe dans un jardin de surface hanté par des cartes sans
épaisseur, figures planes. C’est comme si Alice s’était suffisamment identifiée
au chat, qu’elle déclare son ami, pour voir l’ancienne profondeur s’étaler et
les animaux qui peuplaient celle-ci devenir des esclaves ou des instruments
inoffensifs.
Gilles Deleuze : Logique du sens
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